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L’expérience du lieu

Les lieux façonnent l’homme, et l’homme depuis toujours a façonné les lieux, pour s’abriter, cultiver, se transporter, parfois pour célébrer à travers des formes symboliques, tel rituel, telle idée de l’espace ou de l’esprit.

Nés d’un usage (manger, dormir, se cultiver…), le lieu participe de l’identité de celui qui le vit – chacun se définit notamment par son appartenance spatiale – et inversement les individus donnent une identité, et même plus fondamentalement une existence, au lieu. Cette relation étroite permet la métaphore de l’enracinement et suppose une dimension temporelle. Le lieu s’inscrit dans la durée ; il est mémoire et temps cristallisés. Le lieu de la géographie humaniste est plus qu’un point, un nom ou une localisation : il a un sens, une « personnalité » écrivent certains auteurs.

Cette acquisition de sens où la structure se métamorphose et participe de la vie des hommes a ouvert un large champ à l’intervention artistique contemporaine. Neutraliser la personnalité du lieu par le « White Cube » n’a rien enlevé à l’inscription de l’œuvre dans son “contexte”, l’expérience du lieu réel étant la condition sine qua non de l’expérience de l’œuvre (Jean Verame).

Ainsi, les termes du binôme œuvre/lieu deviennent interchangeables et même perméables entre eux : l’œuvre devient lieu et le lieu œuvre (Jeppe Hein). Quelques artistes élaborent des œuvres qui réinventent le cadre physique du lieu (Willie Cole). Mirage ou apesanteur, le fictif fraye avec l’intangible (Leòn Ferrari). Ces lieux imaginaires, rêves éveillés, s’ordonnent ou se dissolvent (Monica Bonvicini) selon des lois singulières et convoquent dans le champ artistique des lieux atypiques. Les mutations numériques du monde contemporain sont-elles en train de dissoudre progressivement le concept de lieu ?

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