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Le moins du monde

Invitation au retranchement, à l’éclipse, telles seraient les intentions qui prévalent au choix de cette rubrique. Mais l’art peut-il se passer de forme jusqu’à devenir invisible ? L’art peut-il être – et jusqu’à quel point ? – imperceptible ? Le terme « inframince » inventé par Marcel Duchamp cristallise ces interrogations et les opérations plastiques qui leurs sont liées. Les oeuvres exemplifient particulièrement le devenir imperceptible de la plasticité.
Comment l’œuvre d’art peut-elle être là sans insister sur sa présence ? Comment la disparition peut-elle devenir l’autre nom de la manifestation ? Autant d’interrogations sur les possibilités et modalités de construire des intensités par soustraction.

S’il fallait trouver une source à ce changement de paradigme, du tout visible au tout invisible de l’art, le recul du sentiment religieux (dans nos sociétés occidentales) en serait l’une. Selon Marcel Gauchet1, l’accent est mis sur les sentiments, les expériences personnelles et les croyances susceptibles de conférer un sens aux existences individuelles Ainsi, toute une « religiosité qui s’ignore » se manifesterait sous les formes les plus diverses d’expériences profanes : de l’usage des stupéfiants à l’ascèse sportive, en passant par l’émotion esthétique.

L’expérience esthétique qu’offrent les artistes qui travaillent les ou aux limites du visible, du dicible et de l’audible ne ferait que transférer cette quête de sens inhérente aux êtres pensants du religieux à la sphère de l’art.

1 Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde, 1985, Gallimard

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