Extension du domaine de l’intime |
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Paradoxalement la notion d’intimité pose immédiatement la question de sa limite, de sa possibilité ou non de la « mettre en scène ». Or, le désir de s’échapper du cadre de l’atelier (en s’exposant, dans les deux sens du terme) se pose ou s’impose pour l’artiste. Les nouvelles technologies permettent d’ailleurs largement cette surexposition. Mais à quel risque ? Exhibitions de la nudité, de la vieillesse, de la sexualité : l’intime décline sous tous les médiums, et dans tous les registres : du sous-entendu au « déballage » de l’obscénité pornographique. Narcissisme exacerbé – dernier avatar d’une société individualiste – ou besoin de repli et de repères face à l’anonymat d’un monde globalisé, le « Je » impose son évidence. TV réalité, caméras, webcams et blogs sont devenus les outils de prédilection de la surexposition de nos intimités. « L’extimité »1 définirait cette quête nouvelle et ambiguë, cette validation du moi dans le regard des autres et le déploiement progressif de la sphère privée dans l’espace public. Cet étalage parfois complaisant, à la limite de l’exhibitionnisme, répond à l’immixtion croissante des systèmes de surveillance et de contrôle dans nos vies et nos choix. Depuis les années 1970, les artistes se jouent de la dualité intime/publique, voyeur/regardeur et de ses limites. Autofiction, mise en scène de son existence dans le travail artistique, détournement des techniques de contrôle sont autant de tentatives pour réintroduire, l’intime, le sensible, le trouble et l’ambivalence. Une sécession toute poétique face au tout uniformisé. 1 Le terme d’extimité est proposé par Jacques Lacan en 1969, mais reste alors limité à un usage théorique spécialisé. Serge Tisseron le reprend en lui donnant une signification différente dans son ouvrage L’intimité surrexposée (éd. Ramsay, 2001) consacré au phénomène « Loft Story ». Il prétend par là s’opposer au mot « exhibitionnisme » utilisé au sujet des lofteurs, qui lui parait inadéquat. Le mot entre rapidement dans le langage courant. Michel Tournier publie un « Journal extime » en 2002. |