Le Frac Lorraine existe depuis un peu plus de vingt ans, période pendant laquelle il a rassemblé une vaste et prestigieuse collection duvres dart de niveau international, qui en représentent les tendances artistiques majeures. La métamorphose récente du Frac de collection comme ressource en un lieu dexposition actif, centre dart et de documentation ouvert à un large public si elle est riche de nouvelles opportunités, soulève également un grand nombre de questions, et implique de nouvelles responsabilités. Le Frac est aujourdhui un espace de dialogue entre le public et lart contemporain. Il revendique un rôle central dans la vie culturelle de la ville, à travers ses missions dinformation, daccueil, de sensibilisation et denrichissement de la vie de ses citoyens. Dans le même temps, il sinscrit dans le discours international de lart contemporain, auquel il est réellement en mesure dapporter une contribution significative. Pour moi, ces deux situations sont étroitement liées au rôle du Frac qui est de mettre en contact le public avec ce discours international sans dévaluer luvre présentée ni sous-estimer le public.
Jaimerais défendre lidée que la collection du Frac en elle-même est, en effet, loutil idéal pour examiner ces nouvelles opportunités, questions et responsabilités. Lart est une sphère vitale pour la pensée créatrice et critique vis-à-vis du monde en général, et cela peut être aisément démontré en utilisant les uvres de la collection pour explorer les nouvelles préoccupations du Frac : étudier linstitution et son espace ; se demander comment il pourrait évoluer et pourquoi ; et enfin continuer à construire un cadre pour le futur.
De la collection, je retiendrais trois thèmes majeurs présentés comme trois ensembles duvres dart qui fonctionneraient chacun comme une exposition indépendante depuis lexamen structurel de la production artistique en termes de techniques et de matériaux ; lexploration de lespace du bâtiment lui-même, ses relations avec la cité et les conventions de présentation de lart contemporain, pour enfin discuter de vérité et de fiction, de la construction de lidentité et finalement du rôle de la culture dans la construction et dans la médiation de la représentation de la société.
Et pour commencer, jaimerais soumettre au lecteur ces quelques brèves notes historiques retraçant lévolution de cette pratique de la critique qui constitue lun de thèmes fondamentaux dans le développement de lart du xxe siècle.
La question de la relation active entre artistes et institution dune part, et dun large public dautre part, constitue une préoccupation spécifique pour les artistes et la critique depuis le début du xxe siècle. Les manifestes des futuristes, des constructivistes et des surréalistes ont en commun une exigence que les artistes considèrent comme une condition immédiate, à la fois sociale et technologique, et dune importance vitale pour le développement de la nouvelle esthétique. Ces premiers mouvements davant-garde encourageaient également lidée que les artistes devraient considérer leur travail comme un instrument dinformation et déducation du public, non seulement pour le convaincre de la réussite ou de la qualité de luvre elle-même, mais également louvrir à la perspective dune nouvelle vision du monde, décrivant de nouveaux modèles de société et présentant les résultats de recherches dans des systèmes de description alternatifs. Bien que défiant dans certains cas, rhétoriquement, les fondements mêmes de lexistence des musées et des galeries, dans la pratique ces mouvements ont largement présenté leurs découvertes sous la forme duvres supposées autonomes qui se conformaient à un grand nombre des conventions de la peinture et de la sculpture traditionnelle.
Le mouvement Fluxus a étendu la portée des pratiques des avant-gardes en proposant au public des jeux et des exercices qui étaient destinés à créer une conscience, et interroger les limites de structures sociales circonscrites, de comportements habituels et du rôle des galeries dart. Mais, alors que Fluxus essayait dabattre les frontières entre les diverses catégories de lart, en utilisant à cette fin des méthodes poétiques, romantiques et métaphoriques, il était, à ce titre, un mouvement littéraire, préoccupé par des idées formulées comme des scénarios et des propositions plutôt que des situations concrètes.
Au début des années 1960, les praticiens de ce qui devait se faire connaître comme art minimal ou structurel ont commencé à remettre en question les qualités formelles qui avaient jusqualors été considérées comme fondamentales, et qui définissaient comme telle, la pratique de lart moderne. Dans ce contexte, le postulat de Greenberg selon lequel les artistes doivent se restreindre aux qualités formelles supposées spécifiques de la discipline quils ont choisie, se transformait en recherche et énumération de la variété de possibilités formelles offertes par des matériaux et des médias dans un contexte de production dart interdisciplinaire. Lart conceptuel devait même aller plus loin, suggérant, selon les propres mots de Sol Lewitt, que «les idées peuvent être des uvres dart ; elles se trouvent dans la chaîne de développement qui peut éventuellement trouver une forme quelconque. Toutes les idées nont pas besoin dêtre réalisées.»
Aux États-Unis, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la scène de la performance a développé la tendance conceptuelle qui privilégiait lidée sur la forme et les performances expérimentales de Fluxus dans le concept de «dématérialisation» de lobjet dart. Linteraction sociale brute présentée comme uvre dart (Following piece, 1969, de Vito Acconci, ou les «Happenings» dAllan Kaprow) introduisait lidée dune uvre créée pour un public varié qui na pas une voie unique daccès mais qui est constitué, du moins pour partie, par un public qui na aucune conscience que laction à laquelle il assiste a été conçue comme «art». En même temps, des artistes comme Hans Haacke, Martha Rosler et Gordon Matta-Clark ont commencé à reconnaître et à critiquer les relations politiques et économiques qui sous-tendaient la production, la présentation et la consommation de lart en utilisant un langage et des stratégies qui nétaient pas issus de lhistoire de lart mais du discours relativement nouveau de la théorie sociologique.
Finalement, cette recherche devait sélargir bien au-delà du monde de lart et aujourdhui les préoccupations des artistes contemporains ne subissent plus la contrainte des définitions formelles de lart ou les limitations du monde de lart. Lart contemporain est autant une discipline critique quun effort créatif, et cest précisément cet aspect que je souhaite souligner dans la collection du Frac Lorraine.
Trois thèmes critiques dans la collection du Frac Lorraine :
Daniel Buren // Lili Dujourie // Ceal Floyer // David Lamelas // Mathieu Mercier // Dominika Skutnik // Frank Stella // Wolf Vostel //
Ce premier thème concerne des uvres dont le sujet premier est le processus de leur propre production et la nature des techniques et des matériaux utilisés. Dans un sens, il sinscrit en parallèle à lhistoire de la déconstruction des formes traditionnelles de la peinture et de la sculpture cette déconstruction a joué un rôle déterminant dans la démystification de lart et a permis aux artistes de reprendre contact avec les situations et les matériaux de la vie quotidienne.
Deux uvres historiques de la collection sont directement impliquées dans cette déconstruction de la peinture. Wolf Vostel a été un des fondateur de Fluxus. Grosse Sitzung mit da (1961) est une démonstration de sa technique de décollage, qui a été à lorigine dune petite école de disciples. Des posters déchirés ont été utilisés pour créer un espace pictural abstrait à partir de matériaux de la vie quotidienne ; le processus de production est évident, et les fragments de mots et dimages imprimés maintiennent le contact avec les événements contemporains. Konskie II (1971) de Frank Stella est un bon exemple de la manière dont lartiste a non seulement nié la fonction picturale de la peinture mais également détruit le cadre, et finalement brisé la distinction nette entre peinture et sculpture.
Les uvres de David Lamelas et de Lili Dujourie poursuivent des explorations analogues, respectivement dans le domaine du cinéma et de la vidéo. Dans Projection (1967), Lamelas insiste sur le fait que la projection dun film dépend, et est en partie définie, par sa relation avec lespace physique dans lequel elle se déroule. Partant de limpératif technique selon lequel la distance entre le projecteur et lécran doit être égale à la distance focale avec lobjectif, et que la pièce dans laquelle a lieu la projection soit dans le noir, Lamelas présente une possibilité alternative, où la projection peut être diffusée sur un espace distant et bien éclairé. Linformation picturale est ainsi perdue, ou plutôt elle est poétiquement convertie en un potentiel perdu.
Limmédiateté de ce qui était, à lépoque, le nouveau médium high-tech de la vidéo a permis à Dujourie de travailler dune manière qui naurait pas été possible avec le cinéma. Pouvant travailler seule, sans opérateur et sans équipe et en nutilisant que la lumière disponible, Dujourie peut se regarder à lécran en temps réel, et ses travaux sont parmi les premiers à explorer la nature de limage instantanée qui est en train de devenir un des traits distinctifs de la culture du XXIe siècle.
Plusieurs uvres récentes de la collection peuvent être vues comme un prolongement de ce genre de recherches. Title Variable (2000) de Ceal Floyer et Mur de chevilles, motif #5 (1994) de Mathieu Mercier utilisent des matériaux ordinaires de manière inattendue, mais leur préoccupation principale réside dans limmédiateté et la clarté de compréhension du processus. Les analyses philosophiques, structurelles des uvres mentionnées ci-dessus, ont donné naissance pendant plus de deux décennies à une esthétique fondée sur une élégante économie de moyens. Poursuivant les idéaux de Fluxus, il sagit duvres que nimporte qui serait en mesure de produire en utilisant des matériaux trouvés dans une maison quelconque, cependant, leur ingéniosité et leur économie leur permettent dêtre esthétiquement abouties à la fois en tant quuvres conceptuelles et comme sculptures minimalistes.
One Ton in the Air (2003) de Dominika Skutnik est un développement plus récent de cette esthétique de lingéniosité et de léconomie formelle. Comme les uvres mentionnées ci-dessus, elle est caractérisée par une attention aux propriétés la logique des matériaux utilisés et intitulés de manière descriptive pour rappeler au spectateur quelle doit être regardée avant tout comme la matérialisation dune idée ou dun processus plutôt que comme une image. Cependant, elle présente au spectateur une image puissante créant une situation de danger potentiel mais qui possède aussi quelques-uns des attributs du paysage et lon peut observer que ces recherches réduisant les propriétés de matériaux particuliers, offrent également des possibilités de contem-plation métaphorique et poétique.
Jinclus Bouquet (1988) de Daniel Buren sous ce même chapitre, dabord en raison de limportante contribution de Buren à la nouvelle définition de la peinture et de la sculpture ; ensuite parce quil transforme une peinture en un objet qui se situe entre sculpture et fonction, et enfin parce que dans le contexte dune exposition du Frac, son uvre trouverait place dans lun des espaces extérieurs, créant ainsi un décor social.
Monica Bonvicini // Willie Cole // Andrea Fraser // Jeppe Hein // Vera Molnar // Roman Signer // Thomas Struth // Joëlle Tuerlinckx // Pia Wergius //
Le Frac occupe un bâtiment historique fantastique qui a été réhabilité avec succès et adapté selon les réflexions actuelles sur lespace dexposition dart contemporain. Cependant, il est important de reconnaître que ces normes architecturales ne sont que des conventions qui deviendront à leur tour elles-mêmes historiques et que de telles conventions définissent, dune certaine manière, les attentes par rapport au type duvres qui devrait être exposé dans un espace donné. Lart contemporain est souvent tributaire de ce type de conventions pour pouvoir fonctionner, et les artistes prennent souvent en compte leur existence au point quelles font partie du travail lui-même bien des artistes de la décennie précédente, pour donner un exemple simple, ont créé des uvres dont leffet repose sur la nature de lespace (calme, peint en blanc), et qui serait totalement invisible ou hors propos dans un contexte différent.
Ce deuxième thème utilise des uvres de la collection pour explorer le bâtiment même du Frac, les conventions quil incarne, et léventail de possibilités qui existe toutefois pour utiliser, repousser ou bouleverser de manière créative lespace et sa fonction idéologique. Les uvres de Monica Bonvicini, Plastered et Hammering out (an old argument), réalisées en 1998, proposent le recours à une destruction physique active comme seule réponse aux limitations évidentes de lenvironnement de lart contemporain. Plastered invite le public à participer à la création et à la destruction simultanées dune sculpture dont la forme et les matériaux sont la réplique de la méthode de construction typique de lespace des galeries contemporaines ; elle stimule en quelque sorte la rencontre entre le spectateur et lespace institutionnel créant potentiellement un nouveau cadre social pour le public. Hammering out (an old argument) ninvite pas à une telle participation mais souligne nettement les contraintes du cadre institutionnel.
The Elegba Principle (1997) de Willie Cole se réfère au statut de Legba, dieu vaudou des portes, des entrées, des chemins et des carrefours. Il transforme lespace dexposition en un labyrinthe dans lequel chaque tournant est une porte et dans lequel les décisions du visiteur, ainsi que le chemin choisi deviennent une composante essentielle de luvre. Métaphore du voyage de la vie et reflet du rôle de Legba en tant que gardien du monde des esprits, ce labyrinthe peut être vu comme une réflexion sur le contexte de lart et sur les décisions prises dans le cadre dun espace particulier.
Changing Space (2003) de Jeppe Hein bouleverse explicitement larchitecture de la galerie et attire lattention vers le caractère de lespace lui-même. La paroi mobile nous rappelle non seulement que lespace joue toujours une part active dans la manière dont lart est exposé et perçu, mais, dans la lignée des architectures spéculatives proposées par les artistes et les théoriciens dans les années 1950 et 1960, elle suggère que les nouvelles manières dutiliser lespace et de lexpérimenter sont aussi liées à de nouvelles manières de penser les modèles sociaux.
Andrea Fraser et Thomas Struth attaquent à la fois le discours du musée et de la collection. Little Frank and His Carp (2001) de Fraser est lenregistrement vidéo dune performance qui brise les conventions comportementales qui entourent le musée par une méthode simple qui consiste à suivre avec un surcroît denthousiasme les suggestions du musée pour apprécier à la fois luvre et le bâtiment de Frank Lloyd Wright. Le visiteur du musée est supposé adopter un rôle bien défini qui préserve lintégrité du musée mais restreint en effet fortement les interprétations possibles et les réponses à luvre exposée. La performance de Fraser nous rappelle que le sens et la valeur de lart sont en partie créés et assurés par la réponse du public, raison pour laquelle la réponse est souvent étroitement contrôlée. La photographie de Thomas Struth intitulée Kunsthistorisches Museum III, Wien (1989) crée une connexion subtile entre la bourgeoisie historique représentée dans le tableau, la richesse et la puissance du musée, et le capital culturel des classes moyennes requis pour avoir accès à ce monde muséal. Cette image est un parfait exemple de la manière dont un artiste peut réfléchir sur les conditions de production, de collection et dexposition de son uvre, sans pour autant avoir recours à des commentaires ouvertement politiques.
Roman Signer, Joëlle Tuerlinckx et Pia Wergius analysent la relation entre lespace de la galerie et le monde extérieur à partir dun angle différent. Si elle était installée, par exemple, dans la cour ou dans le jardin du Frac, luvre Sans titre (1999) de Signer créerait un lien direct entre lespace de linstitution et la vie quotidienne de la ville. Les bulles dans la piscine sont produites par le passage du trafic à laide dun mécanisme simple mais ingénieux qui, dune certaine manière, pourrait être vu comme un dispositif qui apporte la pulsation vitale de la ville même dans le lieu dexposition. Luvre de Tuerlinckx, FAUX SOLEIL (2000), examine à la fois lartificialité de lenvironnement de lexposition et le rôle traditionnel de lartiste qui crée des représentations de la nature, alors que la performance enregistrée en vidéo de Pia Wergius, Sketch for Angels (2000), suggère à la fois une fuite et un piège, un engagement physique, «à la vie à la mort», avec larchitecture qui est aussi un commentaire sur le processus de création artistique.
Enfin Promenade (presque) aléatoire (1998-1999) de Vera Molnar est un exemple duvre tributaire des conventions de lespace de la galerie et qui les accroît. Utilisant le mur blanc de la galerie comme support pour un dessin abstrait de grand format, elle incite à porter attention à larchitecture et à la déambulation du spectateur dans lespace. Luvre dépend très exactement du type darchitecture apparemment immuable, de latmosphère calme et contemplative qui existe au Frac, avec ses pierres moyenâgeuses et ses espaces dexposition modernes et nets.
Chantal Akerman // Judith Barry // Madeleine Berkhemer // Thomas Hirschhorn // Philippe Parreno // Ana Torfs // Ingrid Wildi //
Le troisième et dernier thème que je souhaite proposer prolonge la discussion de la production et de lexposition de lart vers la production et lexposition didentités et de rôles sociaux. Nos représentations de la société sont construites dans le cadre de la culture et médiatisées par elle. Ces processus de construction et de médiation sont idéologiques par nature, et pendant tout le xxe siècle, même si le mouvement sest accentué à partir des années 1960, les artistes se sont attachés à la fois à examiner, à remettre en question et à critiquer ces deux processus et les structures qui les rendent possibles. Les artistes ont exploré la manière dont la représentation de la société à travers les médias, ainsi que limage que nous avons de nous-mêmes, dépend dune interaction avec la culture et ses codes. Une institution comme le Frac est dans une position privilégiée, dans la mesure où elle est capable de sapproprier une part de ce discours culturel. Les uvres considérées ici questionnent toutes, chacune à leur manière, les façons selon lesquelles ce type dautorité est attribué à une représentation et requiert un engagement actif à propos de ces thèmes de la part du public.
Le film de Chantal Akerman, Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975), désormais devenu un classique, rompt avec lautorité traditionnelle du récit cinématographique par le biais dun point de vue très subjectif. Il développe des stratégies formelles qui peuvent être considérées comme des réponses féministes aux conventions dominantes dune forme artistique qui reste majoritairement dans les mains de producteurs hommes. Dans Voice off (1998-1999), Judith Barry utilise une projection sur double écran pour explorer les relations de lartiste avec son médium et avec la culture à travers laquelle il sexprime.
Madeleine Berkhemer crée des alter egos qui à la fois représentent et bouleversent les rôles féminins habituels. Sa sculpture Red Yellow Blue (2001) revisite les premiers préceptes modernistes dans les domaines de lart et du design citant explicitement Mondrian et se référant à la théorie des couleurs des débuts du Bauhaus afin de subvertir leur pureté formelle grâce à des constructions érotisées, organiques.
M^2^ social, Metz (1996) de Thomas Hirschhorn démontre que ce ne sont pas seulement la géométrie moderniste ou le regard masculin qui construisent les lignes de force de la société. La communication par limage est en train de tout envahir, et M2 social est un catalogue mi-radical mi-désespéré de la proportion dans laquelle notre environnement, notre vie quotidienne et notre champ visuel même, sont possédés et manipulés dans le but de reproduire le capital.
Dans DU MENTIR-FAUX (2000), Ana Torfs examine la manière dont les conventions du cinéma et de la publicité opèrent pour associer les idées avec les images, et construit un portrait imaginaire mais séduisant dune Jeanne dArc de fiction, tout en montrant exactement comment cela est produit. Si cest elle (2000) dIngrid Wildi concerne également le portrait changeant, subjectif, dune femme ; dans ce cas, le sujet nest jamais représenté visuellement mais disparaît presque au fil des descriptions contradictoires. Son identité est montrée comme quelque chose de muable, dépendant à la fois de la perspective des autres et du langage lui-même.
Lhomme public (1995) de Philippe Parreno traite également de la manière dont sont construites les identités. Travaillant avec un acteur particulièrement célèbre pour avoir incarné des personnages publics, Parreno analyse les multiples niveaux de la représentation du soi images personnelles, sociales, publiques et médiatiques à travers limage dun homme qui a en partie cédé sa propre identité. Lévénement filmé dans No more reality, est à la fois un commentaire sur limpuissance de la démonstration politique publique, et une image poétique doptimisme, de la beauté potentielle des vies humaines avant quelles ne soient prises au piège dans les filets des structures sociales existantes.
Will Bradley, Écosse. Commissaire d’exposition, critique d’art et musicien. Directeur artistique au CCA, Wattis Institute
for Contemporary Arts, San Francisco (US). En résidence au Frac Lorraine d’avril à mai 2005.