La « force de Coriolis » (du nom de l’ingénieur nancéen Gaspard Gustave Coriolis qui la définit en 1835) décrit un effet dû à la rotation de la terre, qui se manifeste pour tout corps en mouvement et le dévie de sa trajectoire rectiligne.
Très utilisée en météorologie et en océanographie, elle explique le mouvement des masses d’air sur la Terre et en particulier la force des tourbillons. Métaphoriquement, elle s’oppose au système de pensée linéaire qui domine encore la pensée occidentale.
L’exposition La Fuerza del Remolino s’empare d’une image issue du champ naturel – le tourbillon – pour la transposer dans le domaine de l’art contemporain. Gilles Deleuze et Félix Guattari sont les maîtres à penser de ce type de déplacement. Ils s’emparèrent de la figure du rhizome (tige souterraine de nombreuses plantes) aux formes courbes caractéristiques pour la transposer dans le champ social et l’opposer à la ligne droite. Leur ouvrage Rhizome publié en 1976 est d’ailleurs traduit en anglais par « On the line ». Deleuze et Guattari proposaient que le modèle du rhizome remplace le modèle de l’arbre, vecteur rectiligne limitant les possibilités créatives et intellectuelles. Le rhizome, avec ses hélices et ses courbes est une structure mobile en changement permanent qui produit instabilité et altération. Comme le tourbillon. Deleuze écrivait aussi au sujet des forces (et qui pourrait aussi se rapporter au vent) en relation à la pensée : « Nous ne trouverons jamais le sens de quelque chose (phénomène humain, biologique ou même physique), si nous ne savons pas quelle est la force qui s’approprie la chose, qui l’exploite, qui s’en empare ou s’exprime en elle » (Nietzche et la philosophie, 1962, PUF)
Le tourbillon – ou tout autre type de spirale – est un mouvement giratoire. Il s’oppose par définition à la ligne droite et donc à la pensée linéaire temporelle ou causale. Il incite à voir les œuvres d’art comme extensions ouvertes, mobiles et plurielles.
Les œuvres protocolaires et performatives présentées dans cette exposition viennent principalement d’une collection publique française à plus d’un titre exceptionnelle. Le Frac Lorraine tente de revendiquer le peu de place laissé aux pratiques éphémères et privilégie ainsi des œuvres qui puisent leur force dans la suggestion, l’expérience inédite des sens et de l’espace.
Les œuvres rassemblées pour cette exposition sont essentiellement des pièces à réactiver et à réinventer. Elles sont donc aussi l’occasion d’imaginer des échanges entre artistes actifs en France et en Argentine.
L’exposition explore de nombreux territoires, suivant en cela le raisonnement de Deleuze et Guattari en faveur d’un réseau ouvert, en expansion permanente, sans limites figées. La Fuerza del Remolino inclura à la fois des œuvres en résonance formelle ou symbolique avec le tourbillon, des œuvres parlant du vent ou de la suspension et des œuvres qui explorent les méandres de la pensée.
Florencia Malbràn
Texte d’intention du projet curatorial de Florencia Malbràn à l’origine des expositions :
- La fuerza de Coriolis – Santiago de Chile
- In/visible – Medellin