Clarisse Hahn
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Née en 1973 à Paris (FR)
Vit à Paris (FR) |
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Grévistes de la Faim (Turquie)
2011
Vidéo 4/3, couleur, son Durée : 6'36'' Acquisition: 2011 |
« Plus que la consolation est : toi aussi, tu as des armes. » 0 « Mais le corps est aussi directement plongé dans un champ politique ; les rapports de pouvoir opèrent sur lui une prise immédiate ; ils l’investissent, le marquent, le dressent, l’astreignent à des travaux, l’obligent à des cérémonies, exigent de lui des signes. » 01 L’humanité est une réalité physique. Clarisse Hahn interroge la manière dont le corps lui-même est investi par les rapports de pouvoir et de domination, et comment se trament, à travers lui comme « lieu de médiation et de frontière » 1, les histoires individuelles et collectives, les identités et les idéologies. En privilégiant par la vidéo une posture documentaire, ethnographique à sa façon kafkaïenne, elle joue de l’ambiguïté d’exposer la vérité, où le témoignage du réel n’est pas libératoire, où l’œuvre fait document et le document fait œuvre. Au nom de l’Autre. Les deux héroïnes turques du film, emprisonnées pour leurs idées politiques, ont risqué leurs vies dans un mouvement de grève de la faim entamé en 2000 pour protester contre la répression de l’état turc à l’égard de ses opposants politiques, contre un pouvoir qui poursuit le massacre jusqu’au cœur-même des prisons. Elles sont des visages sans nom, sujets-personnages qui font corps avec la situation et le projet narratif d’un film travaillé par la représentation d’un sujet « innommable » et l’élaboration d’une mémoire avec cet innommable. Le seul droit qui reste est le droit d’exister. La grève de la faim devient alors la voix prophétique des dépossédées, un acte de résistance à la destruction non violent envers autrui. Les grévistes exhibent leur corps vulnérable en symbole de leur situation d’impuissance, une transgression de la vie-même pour frapper l’imaginaire collectif. L’écriture de ce double portrait est dénuée de toute tentation cinématographique, simple et limpide, démonstrative et pudique. La figure humaine est chaque fois un événement. À travers elle, un fragment du monde et un moment d’histoire. Deux visages à l’image dos au mur, et des mots qui donnent la mesure de la violence. La caméra bascule de l’un à l’autre. Les corps eux-mêmes, que l’on imagine marqués de la faim, ne sont pas montrés. Les deux femmes ne posent pas. La détermination se lit sur les figures, les têtes droites comme des soldats, sacralisées par l’image de survivantes. On ne saura d’elles que ce combat. Elles sont là, vivantes, tout simplement, l’histoire d’une résistance à corps perdu. Luc Jeand’heur 0 Franz Kafka, Journal, 12 juin 1923 01 Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975 1 Clarisse Hahn |
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