Liées à la volonté de remettre en cause une certaine image télévisée, les premières œuvres de Dara Birnbaum s’inscrivent dans la critique de l’esthétique «de la culture clip» : un vocabulaire d’images fragmentées et découpées «qui relient des éléments narratifs à un cadre visuel et à la musique qu’ils illustrent.» Après avoir conçu des vidéos analytiques critiquant les images et les stéréotypes de la télévision commerciale occidentale, Dara Birnbaum réalise une trilogie inspirée de la légende de Faust, La Damnation de Faust. Cette installation vidéo doit être adaptée à l’environnement spécifique dans lequel elle est exposée. Elle se compose de deux moniteurs, diffusant deux films différents, et d’un mur peint sur lequel est fixée la photographie, agrandie, d’une jeune fille en noir et blanc.
Cette œuvre est le dernier volet d’une trilogie qui reprend les mythes de la femme et de l’éternelle jeunesse, développés dans Faust. La première partie introduit les thèmes de l’enfance et de l’innocence. Des images d’enfants d’immigrés italiens d’un quartier new-yorkais jouant sur un terrain contrastent avec l’environnement urbain qui les entoure (de hauts murs gris, des cheminées industrielles…). Une jeune femme lisant à sa fenêtre les regarde. À distance, les vidéos superposent des images d’enfants à des éléments architecturaux et des murs recouverts de graffitis. La seconde section présente des jeunes filles dansant par deux et inclut une longue prise de vue, au ralenti, de la scène où elles se lèvent et retombent ensemble. Cet épisode est accompagné d’une musique mélancolique évoquant celle de l’enfance. Dans la troisième partie, les silhouettes d’enfants s’étiolent et deviennent de plus en plus évanescentes. De même, les paysages urbains cèdent la place à un environnement moins hostile et plus naturel. Des images, filmées au ralenti, aux tonalités très froides, se heurtent parfois aux tons acidulés et chauds de certaines séquences.
La construction en éventail est dynamique et semble répondre aux images proposées par les deux écrans vidéos, dans lesquels se superposent parfois étrangement des paysages urbains à des jeux d’enfants innocents, ou des jeunes filles dansantes. Cette installation vidéo nous dévoile un univers onirique et imaginaire, peuplé d’images parfois filmées au ralenti qui semblent suspendues, comme en attente de quelque événement.
Line Herbert-Arnaud