Metallized Fay
1988
Photographies couleur, tirages cibachrome
Triptyque
123 x 210 cm
Acquisition: 1990
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Surgissant sous son manteau d’argent, une fée «futuriste» s’élève sur ses quatre pattes, expression comique et triviale du travestissement et du déguisement. Echappé d’un conte et affublé des accessoires dérisoires de la mise en scène, le protagoniste de ce jeu merveilleux n’est autre que Fay Ray, chien de son état, qui a servi, après Man Ray son congénère décédé, la renommée de son maître avec la fidélité bien connue de son espèce, et s’est prêté corps et âme à sa vocation d’acteur-modèle. Le regard reproduit le jeu de la révélation d’un panneau à l’autre, reconnaissant la traîne lumineuse interminable comme une prothèse imaginaire d’un voeu à exaucer. L’identification du spectateur est entraînée par cette circulation argentée qui, par retour dans la sphère artistique, parle du processus «magique» de l’apparition de l’œuvre. Laissant l’imagination voguer sur les ailes du souvenir et de ses stéréotypes, cette pièce appartenant à une série de contes illustrés (Cendrillon, Le Petit Chaperon Rouge…) s’intègre dans un ensemble de transformations anthropomorphiques absurdes et banales qui racontent à la manière d’un journal intime l’insignifiance de l’existence. Par analogie, identité, altérité, avec ou sans chien, Wegman développe depuis 1969 un regard destructeur sur la société américaine et un discours conceptuel tournant autour de l’artiste et de l’atelier, tout comme Bruce Nauman, mais avec une pointe d’absurdité anecdotique. Dans ses photos et vidéos où les chiens, acteurs, performeurs, stars mythiques, subissent des leçons, le sérieux du cliché populaire grotesque et ridicule est utilisé pour provoquer la familiarité visuelle du public amené ainsi à s’identifier à cet autre spectateur canin sujet et symbole de l’action. Wegman parodie autant les stéréotypes ludiques et kitsch d’un monde
surmédiatisé que les manières des institutions artistiques, les grandes références de l’histoire de l’art et les possibilités des techniques (cliché témoin de «l’art moyen» – Haussman –, documentaire, effets spéciaux de l’enregistrement…). Dépassant une naïveté burlesque directement perceptible, Wegman arpente les coulisses de l’art, s’approprie en les détournant les idéologies et attitudes formalistes afin d’exposer, en les opposant, l’aliénation des comportements artistiques et sociaux.
Maïté Vissault
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