La nuit des héros
1994
Film 35 mm transféré sur DVD, couleur, sonore
Durée : 26'
Acquisition: 1995
|
Par son travail, Philippe Parreno appartient à cette génération d’artistes qui, au lieu de créer des objets, de perpétuer le geste créateur de l’artiste-artisan, met en place des situations qui prennent la forme de discours, de manifestations, de parties de football, de repas… autant de lieux de contestation et d’espaces de sociabilité qui impliquent une participation active du spectateur. Depuis 1988, Parreno propose des projets en association avec d’autres artistes : Pierre Joseph, Rirkrit Tiravanija… Profitant d’événements tels que les vernissages et autres inaugurations, Parreno s’immisce et trouble subrepticement les situations convenues. Lors de l’ouverture du MAC (Musée d’Art Contemporain de Marseille), Yves Lecoq, célèbre vedette de télévision, imite en prenant les voix des marionnettes des «Guignols de l’info», les discours officiels et ceci quelques minutes avant l’arrivée du véritable ministre de la culture de l’époque (L’homme public). L’imitation, la réappropriation de personnages factices, de «personnages conceptuels» (Foucault) est la problématique du court métrage La Nuit des Héros. Parreno juxtapose réalité concrète, réalité imaginée, discours sur l’art et commentaires pour faire une fiction ironique et cruelle sur la folie contagieuse, une véritable farandole poétique sur fond d’architecture de Le Corbusier. Dans cette logique de la dérision et de l’imitation, Parreno pousse à l’extrême la caricature du critique d’art dans No more reality 1, qui s’évertue à expliquer, élucider l’art. Incompréhensible, le discours mélange les langues et les intentions, il ne reste que le spectacle de l’idiot, du simplet, de l’artiste du dérisoire.
L’irresponsable manipulé par les médias semble être aussi stigmatisé dans No More Reality 2_, courte manifestation d’enfants avec banderoles et slogans. L’enfant, le fou, le bègue, le simplet sont autant de figures génériques de l’artiste en cette fin de XXe siècle. Handicapés de la communication médiatique, ces personnages relèvent les limites du discours, du verbe. _Snaking (de l’anglais snake, serpent) mélange l’image du soldat rampant de la Guerre du Golfe, du sportif new-yorkais et du fou du roi. L’allure «snaker» tout comme la forme du clip vidéo parodient la publicité où le rêves sont réalités et réciproquement. L’indigence des contenus et des formes publicitaires semblent avoir inspiré Cinémascope dont la qualité de l’image est volontairement reniée. Point de cadrage, filage et plan de montage, les images de repas s’enchaînent à celles des façades tremblantes filmées depuis le siège d’une voiture. Les artistes-footballeurs se mélangent dans un grand «bricolage inter culturel» durant la première Biennale d’art contemporain de Johannesburg. L’ensemble des vidéos de Parreno font le bilan grotesque d’une pratique artistique qui consiste à superposer les réalités pour dénoncer les failles de notre perception du monde, de nos certitudes.
Béatrice Josse
|