Star Trek, predictable incident in unfamiliar surroundings
1995
Vidéo, couleur, non sonore
Durée : 23'
Acquisition: 1995
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Douglas Gordon manipule, dans ses œuvres et ses performances, différents supports de communication tels que le téléphone, la lettre, la vidéo, etc., qui lui servent à pénétrer l’espace intime de l’interlocuteur afin d’agir dans son «espace psychologique». En 1993, il inaugure avec 24 hours Psycho_, des œuvres dans lesquelles il s’approprie des morceaux d’anthologie du cinéma (_Psychose d’Hitchcock, The Searchers de John Ford), de séries télévisées (Star Trek…) ou de documentaires qu’il projette sur écran vidéo. Il choisit des stéréotypes du genre, familiers et populaires, les détourne en agissant sur la lecture de l’image (césures, agrandissement, appositions, traitement en boucle, ralenti…) et sur son inscription dans l’espace public. En s’appuyant sur la familiarité des séquences-cultes qu’il extrait de leur contexte, il déplace l’attention du spectateur de l’action sur la structure interne des images, sur leur capacité à construire des comportements culturels et moraux. Fascinantes et banales, les rares scènes de baisers de la fameuse série télévisée américaine Star Trek semblent inoffensives, mais ralenties, agrandies et silencieuses elles acquièrent une dimension psychologique effrayante où se révèle, sous la séduction des images, une certaine aliénation du spectateur. Le capitaine Kirk, symbole du héros positif américain, est ici devenu agresseur, séducteur, amant, mari, personnage susceptible de provoquer le phénomène d’attraction-répulsion, de violence et de désir qui caractérise les effets «hallucinatoires» et manipulatoires du cinéma. L’image cinématographique est ici inscrite dans la culture du magnétoscope, c’est-à-dire dans un usage privé devenu un moyen public. La caisse de bières qui supporte le magnétoscope et le projecteur vidéo, tout comme la moindre qualité de la projection, l’usage délibéré des possibilités de manipulation de l’image offertes par le magnétoscope (ralenti, arrêt…), mettent en exergue les pratiques d’une culture de masse. En variant simplement les paramètres de l’inscription du temps et de l’espace, l’artiste fait émerger le doute sur la véracité des sensations et dévoile le conditionnement social du désir de voir. Il déconstruit la durée de l’image en mouvement, la détache des événements afin qu’elle dévoile la manière dont la mémoire est affectée par des contradictions subjectives.
Maïté Vissault
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