Sans titre
Lille, 1994
Photographie noir et blanc, tirage argentique
50 x 60 cm
Acquisition: 1998
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Depuis la fin des années 1960, Peter Downsbrough développe un vocabulaire plastique extrêmement dépouillé, minimal, qui se compose essentiellement de deux tubes ou de deux lignes. Il réalise ainsi une œuvre ouverte et multiple – œuvres in situ, maquettes, livres, cartes postales et photographies –, sous l’impulsion d’un questionnement sur la notion d’espace.
Depuis 1977, le médium photographique lui permet de capter et de révéler des espaces. Il s’avère indissociable de son travail sur les tuyaux : deux tubes d’un écartement constant, de même diamètre mais de hauteurs différentes, qui sont ancrés dans le sol d’un espace public ou privé.
Les premières photographies de Peter Downsbrough révèlent cet espacement, offrant ainsi un cadrage différent au regard du spectateur.
Le travail photographique de cet artiste est urbain et politique au sens premier du terme. En effet, il s’intéresse essentiellement à la vie de la cité, aux éléments architecturaux qui la construisent, la façonnent. Peter Downsbrough photographie des complexes urbanistiques, des sites industriels, des zones portuaires ou encore des espaces publics comme la rue ou les parkings. Qu’ils soient en friches, désaffectés, ou encore en activité, ces lieux proposent un point de vue. Ils nous donnent à voir la quintessence de nos villes. Cependant, le propos ne réside pas dans l’identification du lieu. Le sujet photographié importe moins que sa structure ou son architecture qui tend ainsi à une certaine universalité : «Lorsque l’on regarde mes photos, cela pourrait être n’importe où», explique l’artiste. L’être humain est alors exclu de cette révélation de la ville. La photographie de Peter Downsbrough est un indice, témoin de la réalité urbaine qui nous entoure.
La syntaxe de ses photographies laisse apparaître un point de vue frontal, une vision panoramique, un éclairage neutre et des formes strictement découpées qui s’inscrivent en noir et blanc sur le papier. Bien que très construite, l’image n’est jamais retouchée ou recadrée, elle est directement conçue dans le viseur. Rigoureuse, architecturée, la photographie s’élabore à partir de la ligne. Qu’elle soit simple ou double, qu’elle se matérialise sous la forme d’un adhésif ou d’un tube comme dans ses œuvres in situ, la ligne structurante prend place dans la représentation du lieu aussi bien que dans sa réalité.
La ligne, horizontale ou verticale, est suggérée ou imposée par les éléments constitutifs de la photographie.
Évoquée par les pavés mouillés du trottoir et les lumières de la ville dans Sans titre (Vienne, 1980), elle scinde la photographie en deux parties. Dans Sans titre (Gent – Rodenhuize, 1994), l’horizontale au centre de l’image s’élève en une verticale qui divise l’espace du paysage ; un environnement naturel, végétal vient alors s’opposer ou coexister avec un univers industriel. Quant à Sans titre (Lille, 1994), la ligne évoquée par le poteau partage l’image et lui impose une sorte de symétrie. Enfin, Sans titre (Aalst, 1996) présente une construction plus complexe. La perspective offerte par les lignes suggérées au sol par le rail et l’absence de pavage, puis par le bord du quai et enfin par la structure métallique de l’auvent, vient buter sur le rectangle formé par la remorque du camion. Sans cesse recentré par ces lignes convergentes, le regard ne peut alors s’échapper.
Les photographies de Peter Downsbrough s’inscrivent de manière cohérente dans l’ensemble de son œuvre, imposent au regard un parti-pris, une vision politique de la cité. Mais ce discours est avant tout servi par une technique très élaborée dans laquelle rien n’est laissé au hasard.
Line Herbert-Arnaud
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