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Gerd Bonfert

Né en 1953 à Blasendorf (RO)
Vit et travaille à Cologne (DE)


Cycle des yeux

1989
Série de 5 photographies noir et blanc, tirages argentiques
37.5 x 28 cm chacune
Acquisition: 1991


La série Visages présente une suite de portraits fantomatiques de l’artiste. Bonfert enregistre la disparition de son image, de ses traits brouillés par des traces lumineuses imprécises imprimées sur les volumes saillants du visage. Les yeux, seuls éléments en creux retenant la lumière, semblent refuser toute incarnation. Miroirs de l’âme susceptibles d’affirmer la présence au sens religieux du terme, ils restent cependant aveugles et absents, sorte de symboles disparus de la personnalité.
Pour réaliser ses photographies, l’artiste doit soutenir, dans la pénombre, de longues poses sous un projecteur afin de fondre son corps dans la lumière, ce qui provoque une sensation de mouvements frottés à la surface de l’image. Cette contradiction effective entre les exigences du procédé et le résultat contrarie l’idée d’une véracité de l’instant enregistré par la photographie. En utilisant la capacité du médium à créer de l’illusion, Bonfert rend visible le «voile» de l’apparence, la trace laissée par le passage de l’existant, l’ombre d’une mémoire qui refuse d’être fixée. Il figure ainsi cette impossible définition du visage enfermé dans une image énigmatique de l’homme torturé par sa présence au monde.
Ce travail sur le corps s’apparente au questionnement sur la figure, l’autre et sa représentation revenu hanter dans les années 1960 la surface des œuvres avec, au centre, l’image de l’artiste. Dans l’art germanique, des actionnistes viennois, de Dieter Appelt, Arnulf Rainer, Roman Opalka… et Gerd Bonfert, cette image obsessionnelle est marquée par la quête d’une identité toujours inaccessible, d’une raison existentielle imprégnée du doute et du refus, qui plonge aux tréfonds des marques laissées par l’histoire.
Hantées par la dissolution des corps, par la transparence de la lumière qui, par excès, détruit l’apparence habituelle des choses (série des Silex, des Parpaings) et des êtres, les photographies de Bonfert mettent en scène des corps sans pesanteur évoluant dans les méandres d’une autre réalité. Elles évoquent l’évanouissement de la figure humaine incapable de se décrire et de se représenter, sa mort en tant que forme identifiable du réel.

Maïté Vissault