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Maria Laet

Née à Rio de Janeiro (BR) en 1982. Vit et travaille à Rio de Janeiro (BR).


Notas sobre o limite do mar

2012
Vidéo couleur.
Durée : 11'42''.
Acquisition: 2012


Maria Laet travaille à partir du geste. Dans une relation qui se veut rencontre et dialogue avec les éléments naturels et avec des surfaces du monde. Geste du corps dans un acte de déplacement ou de respiration, geste d’une main dans l’acte apparemment banal de la couture ou de la ponctuation, un geste signe qui se fait performance, tout en en réfutant l’un des attendus : la présence du spectateur. C’est un geste/acte performé dans le silence, pour s’accomplir dans une intimité secrète entre l’artiste et l’objet – des ballons comme pour Untitled (Dialogue Baloons and body), 2007 – ou un élément et une surface – du lait et l’asphalte fissuré d’un trottoir dans Milk on pavement (2008)… Un geste précis, minime, tout autant que minimal, répétitif – proche du rituel dans sa tentative patiente de perception, de captation et de dévoilement de l’invisible ou des possibles cachés des « petites choses ». Un geste délicat, disponible, que l’artiste brésilienne qui a, notamment, étudié à Sao Paulo, et au Camberwell College of Art, à Londres, dans les années 2007-2008, ouvre à une mesure revisitée de la nature et de ses composants organiques. Laet explore les propriétés physiques de ces derniers, matériaux des plus élémentaires, mais surtout des plus fluides, des plus liquides, des plus volatils, malléables et fantasques : le sable, la neige, le lait, l’encre, le souffle… Elle lie et relie les éléments et les surfaces (ce n’est pas sans une certaine évidence qu’elle participa à la 18e Biennale de Sydney intitulée All our relations, en 2012), en interroge les limites physiques et temporelles, et les débordements inexorables. En décline les traces et la mémoire ainsi que les métamorphoses formelles par une pluralité de médiums : le dessin, la gravure, la photographie, la vidéo. C’est la trace qui fait œuvre muséale chez Laet.

Coudre : un acte anodin et domestique. Coudre le sable : un geste insensé et de mise en tension de l’impossible et du vain. Coudre sur la ligne imperceptible que laisse l’écume d’une vague à marée basse sur le rivage : un geste qui tente de matérialiser l’immatériel, de rendre visible une limite entre deux univers qui se joignent et se disjoignent inlassablement. Ainsi dans la vidéo Notas sobre o limite do mar, nous suivons la main de l’artiste ourlant le sable grâce à une aiguille et un fil de coton. Effort tendu et repris, puis abandonné… L’acte, les points friables de couture effacés par le flux et la remontée de la vague. Il y a une abstraction vivante dans le travail de Maria Laet. La couture du sable est un instant du visible de l’impalpable et d’un désir d’imaginaire, un instant de « dialogue » et d’équilibre entre le monde humain industrieux et une nature aussi puissante que mouvante. Mais, ce peut être, aussi, un échec de la ligne humaine dans sa capture de la ligne minérale, marquant sans bruit l’inutilité de notre volonté de maîtrise. Une sorte d’échec à la frontière, qui nous ramène dans le temps de l’effacement, de la disparition, du passager, et de la fragilité du visible. La vidéo en devenant l’image et l’archive.

Marjorie Micucci