Née en 1945 à Grodzisk Mazowiecki (PL). Vit et travaille à Berlin (DE)
1979
Film 16mm transféré sur VHS et DVD, couleur, non sonore
durée: 7'15''
Acquisition: 2010
Au tournant des années 1970, la poésie visuelle et le cinéma structurel que développe Ewa Partum impliquent déjà la présence de l’artiste, dont les propos s’avèrent souvent empêchés par les impossibilités-mêmes du langage. Mais ces problèmes de communication trouvent vite une autre cause que linguistique : l’aliénation de la condition féminine sous la République populaire de Pologne. Partum engage dès lors son corps pour dénoncer l’impératif cosmétique auquel sont réduites les femmes. D’autres artistes décrivent ailleurs la même aliénation : Art must be beautiful, Artist must be beautiful (1975) radote inlassablement Marina Abramović en se brossant frénétiquement la chevelure 45 minutes durant, tandis que Sanja Ivekovic étale les flèches noires qu’elle a peintes sur son visage pour y guider d’hypothétiques soins esthétiques (Instructions n°1, 1976). Utilisé à contre-emploi, le maquillage devient clairement une peinture de guerre, subie et menée à la fois.
La performance d’Ewa Partum intitulée Change. My problem is a problem of a woman (1979) marque l’aboutissement et le tournant d’un processus entamé dès 1974 avec Change : action où l’artiste avait grimé la moitié de son visage en vieille femme, immortalisée par un portrait ensuite placardé dans les rues de Varsovie. Partum avait jusque-là fait du maquillage un usage plus glamour, signant de ses lèvres rehaussées de rouge différents mots, prononcés au contact direct de la feuille 1. Mais pour Change. My problem is a problem of a woman, ce sont des rides, des varices et de cheveux blancs qu’elle se fait peindre sur la moitié du corps, citant allongée sur son socle blanc des passages de la critique Lucy Lippard et de l’artiste VALIE EXPORT. De manière tout aussi prématurée, l’artiste avait annoncée dès 1974 faire une exposition rétrospective, pressée peut-être d’en finir avec la dévaluation inéluctable d’une œuvre doublement désavantagée par le sexe et l’âge de son auteur. Au sol de cette pseudo-rétrospective apparaissait pourtant l’affirmation « An artist has no biography », rappelant que son engagement féministe dépassait la bagatelle autobiographique.
Toutes les performances ensuite entreprises seront accomplies nues ou dénudées. Certaines, prévues pour la rue, seront censurées et supplantées par des photomontages. C’est le cas de la série Self-Identification , inaugurée en 1980 par un film où l’artiste nue épie à la sortie de l’église de jeunes mariés. L’institution du mariage sera de nouveau critiquée dans des actions où Partum incarnera une mariée enrôlée, sacrifiée et offerte au contrôle d’une société patriarcale et catholique (Women, marriage is against you, 1981). Bien qu’explicite, la nudité de l’artiste demeure froide et impassible : jouée sans hystérie ni exhibitionnisme, elle campe la « vérité nue », dégagée des stéréotypes contradictoires du mythe virginal et du fantasme sexuel.
Hélène Meisel
1 My touch is a touch of a woman, 1971.