Né en 1923 à Budapest (HG). Décédé le 14 décembre 2019
2009
Installation, dimensions variables
Acquisition: 2010
« IL EXISTE BEAUCOUP DE RÉPONSES DIFFÉRENTES (ET TOUTES VRAIES) / À CES QUESTIONS, / ET AUCUNE RÉPONSE N’EST NÉCESSAIREMENT MEILLEURE / QUE LES AUTRES, / MAIS CERTAINES RÉPONSES NOUS PLAISENT MIEUX / PARCE QU’ELLES S’AJUSTENT MIEUX AUX RÉPONSES À DONNER À D’AUTRES QUESTIONS / QUI PEUVENT DÉCOULER DES PRÉCÉDENTES. »
Cette phrase accompagnant des dessins est extraite d’un Manuel 1 de Yona Friedman. Elle est prometteuse d’une pensée fluide, transmissive, libre, mais également incitatrice d’idées pour le lecteur. Et pour entrer dans l’univers à la fois collectif et fait de singularités de cet architecte-artiste qui a marqué la réflexion sur l’architecture du XXe siècle, tant par ses écrits (L’Architecture mobile, 1958 ; L’Architecture de survie. Une philosophie de la pauvreté, 1974 ; L’Univers erratique, 1994) que par la profusion de ses propositions d’habitats et de structures, d’« architecture sans bâtiment » 2, par l’illimité de ses maquettes expérimentales, de ses collages, de ses films d’animation et de ses prototypes, de telles phrases sont émises comme des « instruments » fournis par Friedman pour déclencher ces idées multiples, singulières et changeantes, pour des « utopies réalisables » 3.
Formé à l’institut de technologie de Budapest jusqu’en 1943, puis au Technion, à Haïfa, en Israël, Yona Friedman s’installe en France en 1957, où il fonde le GEAM – Groupe d’Étude d’Architecture Mobile –, développant, face à l’épuisement des ressources naturelles et aux impasses urbanistiques que sont à ses yeux les grandes métropoles, des conceptions sociales, politiques, écologiques et architecturales en rupture et anticipatrices. Il nourrit sa réflexion de son expérience, dans les années 1970, des stratégies de survie qu’il observe dans les bidonvilles d’Inde, d’Amérique du Sud et d’Afrique. La pensée de Yona Friedman repose sur le libre-arbitre et est profondément influencée par le philosophe allemand Leibnitz, notamment par son traité Monadologie (1714) – fondé sur les individualités des substances et la multitude des états changeants. Dans son travail d’architecte, Friedman produit des concepts (notamment celui d’auto-planification) qui inversent les rapports d’autorité, les rôles traditionnels dévolus, entre l’architecte, le bâtiment et l’habitant (le futur usager), voire l’exemple iconoclaste de la Ville spatiale (1959-1960). L’architecte n’étant plus celui qui conçoit, construit, mais celui qui fournit des conseils, des techniques, des structures à partir desquels l’usager crée son environnement, son habitat, et donc des alternatives mêmes à son espace de vie. De la même façon, l’artiste n’est dans sa fonction qu’un « provocateur » d’objet, le spectateur devenant l’artiste.
Prototype improvisé de type « nuage » est l’une de ces structures courbes proposées par Yona Friedman, et que quiconque peut réaliser pour créer son « nuage », fait de matériaux pauvres, légers, recyclés… C’est un nuage à l’infini, toujours différent, susceptible de transformer les architectures ambiantes, toujours improvisé. L’improvisation, ce maître mot libérateur de Friedman qu’il définit comme «une réponse rapide à l’inattendu et à l’inconnu » 4.
Marjorie Micucci
1 Yona Friedman, Manuel volume 3. Introduction Sylvie Boulanger, Éditions du CNEAI, Paris-Chatou, 2008.
2 Yona Friedman, Architecture without building, Éditions du CNEAI, Paris-Chatou, 2012.
3 Yona Friedman, Utopies réalisables, Union Générale d’Éditions, Paris, 1975.
4 Rencontre avec Yona Friedman et les frères Chapuisat, Parole aux artistes/link, le 8 novembre 2013, Centre Pompidou, Paris.