Né en 1985 à Vilnius (LT)
Vit et travaille à Vilnius (LT)
2007
Projecteur russe des années 1970, diapositive couleur
Dimensions variables
Acquisition: 2009
Le travail de Gintaras Didziapetris s’élabore en tissant une multitude de liens entre des images, des objets, des moments de l’histoire… Composite et référencée, son œuvre dans son ensemble trouve une filiation directe avec celles des artistes conceptuels des années 1970. S’il fallait déterminer le lieu de sa production, nous pourrions désigner, non pas un espace ou un « objet », mais l’histoire elle-même, le temps comme territoire d’action. Pratiquant l’anachronisme, ou pour être plus précis au risque de malmener la syntaxe, le « trans-chronisme », qui consisterait à superposer des formes, des images ou des objets du passé et à les livrer à une interprétation présente. Gintaras Didziapetris crée des ponts et produit du sens.
L’œuvre Sputnik (2007) est à ce titre assez révélatrice de ce qui fonde l’intérêt de l’artiste. Composée d’un imposant appareil à diapositives qui projette une image de la Terre vue de l’espace, la pièce propose une représentation tant visuelle que théorique du monde. Elle joue sur la corrélation d’un champ lexical et d’un vocabulaire formel pour rassembler des temps divergents. D’un côté donc le projecteur, lourd, fossile, qui loin de s’effacer au profit de l’image, s’impose dans l’espace posé sur un socle. D’origine russe et datant des années 1970, l’appareil de marque « Sputnik » se réfère bien évidemment au premier satellite envoyé dans l’espace par les soviétiques en 1957. D’un autre côté, une image, qu’on pourrait imaginer directement issue des clichés de Sputnik à ce détail près que jamais le satellite russe n’en a produite une seule. Cette Terre vue de l’espace est en fait d’origine américaine. Blue Marble, puisque telle est son titre, a été réalisée par l’équipage d’Apollo 17 en 1972, date qui coïncide avec l’année de commercialisation du projecteur russe.
Cette année devient alors un point de convergence, une accroche. L’image et son outil de visualisation coexistent dans le temps et sont donc rassemblés dans l’œuvre, transportés jusqu’à nous. Malgré leur opposition politique et symbolique, la diapositive et l’outil nécessaire à son apparition se trouvent liés par le simple rapprochement opéré par l’artiste. La technique et le sujet se complètent et disent les manières d’envisager le monde de deux cultures rivales. L’usage du nom d’un satellite aveugle comme marque de projecteur est en cela révélatrice d’une position intellectuelle qui privilégie le système de transmission (la vision) sur l’objet même de cette transmission (le sujet). L’œuvre de Gintaras Didziapetris devient le point de rencontre de deux directions de regard. L’une tendue vers l’infini à travers la projection, l’exploration ; l’autre, qu’on pourrait qualifier d’analytique, qui revient sur elle-même et se reporte au monde.
Les œuvres de Gintaras Didziapetris sont autant de manières de développer conceptuellement des systèmes, d’y replacer une certaine forme de subjectivité afin d’influer sur notre rapport au monde. Porté par le désir du déplacement et de la transversalité, il crée des hyper-liens mettant en relation des espaces, des temps, des histoires et des cultures différents. Il élabore une histoire de synthèse construite sur un principe de mutation entre des fragments et des valeurs existantes, et ainsi il parvient à mettre en mouvement les lignes de la connaissance.
Guillaume Mansart