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Michael Snow

Né en 1929 à Toronto (CA). Vit et travaille à Toronto (CA).


Solar breath, (Northern Caryatids)(Souffle solaire, (Cariatides du nord))

2002
Dvd, vidéo, couleur, sonore
durée : 62'
Acquisition: 2007


Photographe, cinéaste, musicien et artiste plasticien de renom, Michael Snow saisit, encadre, capture les mouvements de l’air et de la lumière, entre autres sujets de prédilection. Solar breath, (Northern Caryatids) propose l’anti-spectacle du souffle du vent qui vient s’engouffrer dans les plis d’un rideau, l’animant d’une respiration majestueuse. Comme l’explique l’artiste, il construisit au début des années soixante-dix une cabane de rondins de neuf mètres sur neuf dans la zone côtière du Canada maritime. Lors de ses fréquents séjours, il put y observer que le « souffle solaire » produisait une « performance » pour le moins merveilleuse : « une heure avant le coucher du soleil, un rideau de cotonnade blanche placé devant l’une des fenêtres ouvertes se soulève, plisse, bat et se plaque contre la surface presque invisible de l’écran (placé dans l’embrasure de la fenêtre pour éloigner les insectes) avant de se figer. Lorsque le rideau s’élève assez haut, on voit le paysage extérieur, composé entre autres d’arbres et de bois de chauffage empilé en tas ». La plasticité des mouvements, l’intensité de leur amplitude et la fréquence du renouvellement de leur empreinte éphémère constituent le point de mire de ce savant « spectacle » naturel. Aucune mise en scène n’orchestre ce concert labile, pas plus que l’homme ne commande au vent.
L’intitulé de la pièce se réfère aux caryatides, ces sculptures antiques de femmes vêtues d’une longue tunique, soutenant un entablement sur leur tête et pouvant faire office de colonne en architecture. Transposition poétique des plis du tissu d’une tunique antique agités par le « souffle solaire », l’œuvre de Snow propose de réfléchir sur les éléments fondamentaux du cinéma : le temps, l’espace, la lumière. Loin des effets spectaculaires auxquels l’industrie cinématographique nous a habitués, Snow attire notre attention sur la puissante beauté inhérente au monde : la lumière du soleil et la richesse de son nuancier, le mouvement chorégraphique du vent et la temporalité du jour qui s’égrène sont les seuls condiments d’une œuvre d’art contemplative. Ici, le cinéma premier est célébré par l’image lumière (solaire) et le plan écran correspondant à l’espace bidimensionnel fournit par l’écran anti-insecte.

Au cinéma, travaillant la durée et la contemplation d’un espace fixe (Rameau’s Nephew by Diderot, 1974), Snow aime à citer quelques références de son travail antérieur pour situer l’intérêt personnel qu’il nourrit face aux gestes naturels et « non » spectaculaires. On citera entre autres : Sink(1969), quatre-vingts diapositives de l’évier de son atelier, sali par des éclaboussures de peinture, où chaque image était prise dans une couleur de lumière différente ; les expériences de pliage réalisées entre 1959 et 1967 à partir de toiles ou de papier, sans découpage, ni collage ; enfin, Speed of Light (1983), un travail photographique réalisé sur les fenêtres et le rideau en transparence rétro éclairé de sa cabane, qui mettait à l’honneur l’aspect pictural de la lumière au soleil couchant et celui des ombres teintant l’écran de toile.

Selon le principe esthétique de la litote « less is more », Snow engage la lecture de l’œuvre sur le motif de « la fenêtre ouverte » tel que l’envisageait déjà Leon Battista Alberti, théoricien, architecte et peintre du XVe siècle italien : une ouverture cadrée sur le monde, qui permet de poser le regard sur un espace délimité pour en saisir l’essence. Aussi, l’art de Snow propose-t-il au regard de se positionner dans le monde de manière plus alerte afin de jouir d’une meilleure acuité sensorielle tout en formulant une résistance libertaire au carcan culturel.

Cécilia Bezzan