Né en 1942, à Rock Spring, Wyoming (US)
Vit et travaille Californie (US)
1971
1 tonne 200 kg de sable blanc de Nemours, tube de laiton de 2 à 3 mm de diamètre, dimension variable.
Dimension variable
Acquisition: 2006
Le temps est insaisissable et incommensurable, ce n’est pas lui qui passe, mais nous qui passons à travers lui. Cette proposition nous est tellement inconcevable que nous n’avons de cesse que de vouloir rétablir l’équation inverse. De calendriers en horloges atomiques en passant par les cadrans solaires, nous tentons de le mesurer, le chiffrer, l’étalonner pour le ramener à l’échelle de notre éphémère présence sur Terre.
Se figurer le temps est alors une stratégie pour ramener l’éternité à une durée, potentiellement délimitée, et intelligible pour nous, c’est cette perspective rassurante qu’adopte Sand piece de Paul Kos.
Un tas d’une tonne et trois cents kilos de sable blanc gît au sol. Son sommet n’est pas pointu, mais comme aplani, voire légèrement creusé. Imperceptiblement, le creux semble s’affaisser, à un rythme régulier, comme fondrait un bloc de glace. Un étage en-dessous, se trouve un autre tas, de dimension plus modeste mais régulièrement alimenté par un écoulement régulier de sable provenant du plafond. C’est ainsi que se présente Sand piece (1971), sablier gigantesque à l’échelle des espaces qui l’abritent.
L’artiste conceptuel californien Paul Kos pose, de façon très directe la question de la temporalité de l’œuvre, de sa durée, de son évolution jusqu’à sa possible disparition. Pionnier dans les années 1960 et 1970 du milieu avant-gardiste de la Côte Est américaine, il fut parmi les premiers à poser la question du matériau de l’œuvre en fonction du concept, ce qui l’amena à manipuler des médiums très différents. Il déclare à ce propos : « j’ai toujours été intrigué par les matériaux et la façon dont leurs caractéristiques intrinsèques renferment une certaine poésie. J’aime la poésie des matériaux – la façon dont la glace fond ou la façon dont un fromage se comporte, dont une chaise se comporte. »
Au-delà de la poésie qui peut transparaître dans du sable ou de la glace, Paul Kos s’intéresse aussi aux médiums qui lui permettent d’intégrer une notion de durée : de l’instant du happening, au développement de la vidéo, en passant par le déroulement de la performance, l’artiste explore cette idée à géométrie variable qu’est le temps.
Sand piece nous permet d’appréhender la coexistence de plusieurs fréquences temporelles perceptibles en fonction du point de vue dans lequel on se positionne. Ainsi, on pourra être sensible à la durée d’une œuvre (de son processus à partir du moment où elle est activée, ou de sa durée de vie quand elle a une matérialité et que sa conservation requiert certains soins), à la durée du contexte qui la rend visible à un public (la durée d’une exposition), et au calendrier plus général dans lequel s’inscrit l’exposition elle-même. Par cette tentative de découpage du temps en strates, Paul Kos répond de façon pragmatique à la question pourtant vertigineuse de notre perception du temps.
Il s’agira ici moins de « tuer » le temps que de le « suspendre » en se perdant dans l’expérience hypnotique de la contemplation de l’écoulement continue du sable.
Carole Billy