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Rémy Zaugg

Né en 1943 à Courgenay (CH)
Décédé en 2005 à Bâle (CH)


Quand fondra la neige où ira le blanc

2002-2003
Peinture sur plaque d'aluminium
79,1 x 158 cm
Acquisition: 2004


L’expérience du néant – Casimir Malévitch, à propos de sa composition suprématiste Carré blanc sur fond blanc (1918) déclare : «J’ai atteint le monde blanc de l’absence d’objets.»1 Il ne faut pas voir dans cette absence «le vide du néant, mais la plénitude d’une présence supra essentielle». Le «monde sans objet» est comme chez les mystiques ce dépouillement extrême où s’inscrit la certitude de la vérité. Telle serait l’une des interprétations de cette phrase inscrite en blanc sur fond blanc par Rémy Zaugg. L’origine de cette phrase serait à rechercher quelque part du côté de William Shakespeare, auteur dont le mystère environne la personnalité, à moins que Paul Auster ne les ait lui-même lus au détour d’une œuvre de Zaugg, mais cela importe peu. Seule compte la résonance des mots et leur articulation avec leur perception. À la lisière du lisible, ils semblent rendre compte justement de la genèse du visible. Le blanc est à l’origine et à la finitude des choses. Il est en éternel mouvement comme le cycle des saisons dont parlait Zaugg avec tant de nécessité. Le mur du silence – À la limite du monochrome, cette œuvre résonne de silence, de l’apaisement des bruits. La blancheur peut apparaître comme une absence de couleur, mais à l’analyse, écrit Kandinsky, «le blanc, que l’on tient pour une non-couleur, apparaît comme le symbole d’un monde d’où toutes les couleurs, en tant que propriétés matérielles et substances, auraient disparu. Ce monde est tellement au-dessus de nous qu’aucun son ne nous parvient.» Si les œuvres de Zaugg témoignent parfaitement de ce silence, elles semblent cependant amplifier puis dépasser le phénomène. En jouant de manière combinatoire avec la perception pure (celle de la blancheur) et avec notre intellect (jeu de mots), Zaugg décuple nos capacités d’appréhension de l’art. Face à cette œuvre, le silence est rompu car nous nous entendons penser.

Béatrice Josse

1 In Dora Vallier , L’Art abstrait, Hachette, Paris, 1980. Selon elle, Malévitch «a réduit le réel au silence et dans ce silence est venue s’inscrire la pure absence d’objets».