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Didier Vermeiren

Né en 1951 à Bruxelles (BE)
Vit et travaille à Bruxelles (BE)


Sans titre

1974
Installation
80 x 80 x 20 cm chacune
Acquisition: 1994


Cette œuvre est la première d’une série de douze pièces montrant des plaques de fer, pierre, plâtre ou plomb posées sur des blocs de polyuréthane. Elle est composée de huit paires – une plaque de fer (80 × 80 cm) sur un bloc de polyuréthane (80 × 80 × 20 cm) – disposées en une seule rangée. L’espace entre chaque paire doit être, au maximum de 80 cm. L’épaisseur des plaques va de 0,5 cm à 4 cm, en augmentant d’un demi-centimètre à chaque unité.
L’intérêt de pareille pièce réside, tout d’abord, dans la mise en spectacle, que chacun de ses éléments opère, de l’un des paramètres majeurs de la sculpture : la pesanteur. En effet, le poids de la plaque posée sur le bloc de polyuréthane fait se compresser celui-ci. L’exhaussement des vertus pondérales des plaques est ainsi obtenu par la déformation du bloc de polyuréthane dont les arêtes n’ont plus leur parfaite verticalité d’origine et dont les parois latérales se boursouflent et se plissent.
Mais l’efficacité de cette pièce consiste aussi dans la mise en scène, fondée sur le principe de la comparaison, d’un autre paramètre important de la sculpture : la densité, c’est-à-dire le rapport du poids au volume d’un corps donné. Le spectateur voit, par exemple, qu’une plaque de fer de 4 cm d’épaisseur pèse davantage sur le bloc de polyuréthane sous-jacent qu’une plaque du même fer de 0,5 cm d’épaisseur. Et la disposition dans l’espace expositionnel des éléments est conçue de sorte à optimiser la visibilité du phénomène. Ainsi, le regard aperçoit-il une seule rangée où les éléments sont placés par ordre homogènement croissant ou décroissant, selon le point de vue adopté. Les plaques de fer et les blocs de polyuréthane fonctionnent donc comme de stricts inverses proportionnels, plus le volume de la plaque augmente, plus celui du bloc diminue, et réciproquement.
La pesanteur et la densité ne sont, par conséquent, pas seulement les principes actifs de la constitution de l’œuvre, elles produisent des effets remarquablement visibles comme tels et mesurables sur l’un des constituants de la sculpture proposée qui fonctionne, en quelque sorte, comme révélateur. Au regard des rapports temporels qui lient processus de production de l’œuvre et présentation de celle-ci, ces plaques sur blocs occupent une position originale. Elles sont le résultat d’un processus qui n’est ni totalement achevé, ni totalement en cours. Le bloc de polyuréthane s’est certes déjà comprimé sous l’effet du poids de la plaque lorsque le spectateur voit la pièce, mais la résistance de ce bloc à toute compression supplémentaire est exactement synchrone avec l’existence même de la sculpture. Une dernière remarque : cette pièce vaut aussi par la déstabilisation qu’elle suscite du couple formé par la sculpture et son socle. Si le socle a traditionnellement pour vocation d’exhausser la sculpture, il ne prend toutefois jamais la parole, il ne dit jamais rien de l’œuvre qui le surplombe. Au contraire, ici, c’est bien le support de polyuréthane qui exprime, en se comprimant, l’essentiel du propos sculptural.

Michel Gauthier