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Patrick Tosani

Né en 1954 à Boissy-l'Aillerie (FR)
Vit et travaille à Paris (FR)


Vue II

1990
Photographie couleur, tirage cibachrome
250 x 420 cm
Acquisition: 1991


Tosani utilise la photographie, ce «troisième oeil objectif», pour l’inscrire dans l’irréalité par excès de netteté, de précision, d’échelle, afin que le sujet entretienne un discours sur la qualité des choses et, en abyme, sur le processus même de la photographie.
À ses débuts, il fabrique de petites histoires narrant des rencontres (figurines prises dans des glaçons, portraits flous perforés par des inscriptions en braille…) puis s’attache à sérier des objets communs agrandis au point de neutraliser le regard pour révéler leurs qualités physiques intrinsèques (série des Talons, 1987, les Cuillères, 1988…). En travaillant par la suite sur des images liées au corps (les Ongles_), il continue, par disproportion et contradiction du réel, à transformer l’objet photographié en un discours sur les caractéristiques du support. Ses photographies sont autant de tableaux métaphoriques.
Transfigurés, les millefeuilles (_Vue
, 1990) barbouillés d’argent perdent toute saveur comme produits de consommation pour apparaître différemment dans le registre du plaisir tels d’étranges bijoux difformes exposant l’indécence de leurs détails, le vide de leur signification. Ils peuvent ainsi être lus comme des structures géologiques faites de surfaces accumulées qui, confrontées au plan photographique, se jouent de l’ambiguïté du volume et de l’irréductibilité du réel. L’objet est devenu le lieu d’une image «brillante» où l’objectivité détaillée de la forme consommable est rongée par le jeu transformateur du tableau (dimension, composition, matière, lumière) qui cependant ne concède rien aux effets picturaux.
Les séries de Tosani parlent du fragment, de la peau, de la croissance, de l’organique et approchent ainsi le corps sous l’angle de la démesure sans sombrer dans l’inventaire esthétisant de la nature prôné par les photographes allemands de la Neue Sachlichkeit dans les années 1920 auxquels l’artiste se rattache par sa technicité. Il fixe la valeur d’usage de l’objet et fabrique des artifices qui s’adressent à l’imagination en utilisant les disproportions du langage photographique.

Maïté Vissault