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Éric Rondepierre

Né en 1950 à Orléans (FR)
Vit et travaille à Paris (FR)


Le voyeur

1989
Photographie noir et blanc, tirage argentique
82 x 121,5 cm
Acquisition: 1995


Troublantes, les images d’Éric Rondepierre sont réelles mais invisibles. Elles sont le résultat d’une étude minutieuse, de films antérieurs aux années 1960, dans lesquels les failles cinématographiques imperceptibles à vitesse normale de projection créent des juxtapositions rares et riches de sens.
Il photographie l’écran de télévision qui a servi à ses laborieuses recherches et fixe des images noires dont seul le sous-titrage subsiste. Ces plans noirs fugaces résultent le plus souvent d’une restauration de copie détériorée. L’image a disparu, seul le texte demeure, invitant à de multiples interprétations.
L’artiste extrait de son contexte une phrase, une réplique dont le sens, par la juxtaposition de l’image noire, dérive vers l’ironie, le comique. Ainsi le photogramme Le Voyeur, dévoile la cohérence du hasard. «- J’éteins ? – Non…» est associé à l’image de l’écran obscurci.
Le titre détient une place prépondérante dans la constitution de l’œuvre, il ne se contente pas d’étiqueter la photographie mais crée une autre narration. Le Voyeur se réfère non seulement au sous-titrage du film, mais également à la position du spectateur, «voyeur» face à l’écran.
Rondepierre se plaît à nous faire perdre nos repères en compliquant sa technique, en accumulant les procédés de reproduction. Les photogrammes servent de modèles pour une peinture sur toile. La toile est ensuite à nouveau photographiée puis détruite. Ne subsiste de ce travail que l’ultime photographie de la peinture. Passerelles, déconstruction des méthodes traditionnellement liées à la photographie, Rondepierre détourne les modèles pour mieux révéler les interstices multiples de l’image cinématographique.
Son œuvre s’inscrit dans la mouvance d’artistes, tel Douglas Gordon, pour qui le cinéma émerge comme référence productrice, et non comme modèle.

Anne Langlois