Née en 1949 à Nîmes (FR)
Vit et travaille à Saint-Ouen (FR)
1989
Photographie noir et blanc, tirage argentique
108 x 86 cm
Acquisition: 1990
Singulier au sein des recherches artistiques contemporaines, l’art de Suzanne Lafont se nourrit de littérature, de philosophie et d’iconographie religieuse. Ses travaux élaborés dans l’univers expérimental de l’atelier sont les traces d’un projet d’ordre cognitif qui utilise la photographie comme un outil, un état d’image sans valeur documentaire.
Suzanne Lafont affirme que l’image a une identité indépendante qui, réfléchie par le monde, engage la perception du visible. Pour cela, elle utilise la clôture du tableau, son espace plan, son cadre ; ses travaux sont statiques, immenses et naturalistes, ils émergent de la nature intérieure de l’image, de son étrangeté. En tant que signes, ses photographies ont la qualité d’une citation, elles inscrivent dans le visible une forme réflexive ambivalente et paradoxale. La citation reste toujours spécifique comme fragment inséré mais en tant qu’élément dynamique originel, elle crée une relation inédite entre deux propositions de nature similaire mais de contenu différent.
L’artiste parle de «montrer les choses selon leur stricte identité» ce qui implique de les isoler, de réduire au maximum les interférences extérieures au sujet. Dans les récits, scènes, paysages, architectures, portraits, les figures évoluent au milieu d’un décor irréel dans une sorte de torpeur, une absence ; elles évoquent toujours un ailleurs comme si elles portaient en elles une autre mesure du temps ou plutôt comme si elles faisaient advenir le temps. Portrait n° 11 et Portrait n° 12 imaginent le visage caressé par la lumière et dévoilent la durée du regard au seuil des traces visibles du mouvement. L’instant se prolonge dans la durée à travers la fixité et établit ainsi une continuité entre les images réelles et imaginaires. Dans les portraits, la présence du visage, la lumière émanant de la figure, est une pensée de l’immanence qui fait référence à l’iconographie de l’Annonciation. Suzanne Lafont crée des images qui expérimentent l’esprit d’une relation.
Maïté Vissault