Né en 1955 à Zurich (CH)
Vit et travaille à Mettmann (DE)
1993
Installation
250 x 200 x 75 cm
Acquisition: 1994
«Les objets, seuls encore visibles, sont ce qui reste de l’unité rompue de l’être et de l’apparence. Les tableaux renvoient toujours à la perte de ce qu’ils nous ont mis sous les yeux.»1
Depuis sa première exposition en 1982 à la Kunstakademie de Düsseldorf, Thomas Huber développe une œuvre «totale» qui mêle production, exposition et discours sur la genèse de la peinture et de l’art. Travaillant dans la faille mouvante qui sépare perception et réalité, il crée une concordance directe entre l’image soumise au regard, ses conférences didactiques sur ce qui est donné à voir et les accessoires utilisés lors de la démonstration.
Thomas Huber procède par analogies et crée un retournement constant de l’image sur elle-même. Ainsi, Das Wesen der Bilder est l’accessoire servant de support à la conférence publique ayant pour sujet l’histoire du tableau Die Ausstellung (Fnac/Fonds national d’art contemporain, Paris). Posés dans une vitrine, cinq récipients sont les sujets d’une explication «scientifique» de la genèse de la peinture dans laquelle : l’eau est la métaphore des images ; un poisson rouge et une rose illustrent le regard de l’intérieur, la surface fragile ou le néant qui délimite différentes réalités perceptibles et la notion de seuil illusionniste en peinture ; le mélange d’huile et d’eau incarne la frontière ; le sel symbolise la densité des tableaux ; l’éponge est un réservoir, une mémoire ; le thermomètre permet de calculer l’énergie qui se dégage de la substance ; le savon désigne l’émulsifiant qui lie les regards et la réalité.
Suivant l’apparition du tableau qui lui est contée, le spectateur se retrouve à l’intérieur de l’image reflétée en abyme dans l’image et le discours. À la croisée des chemins, Thomas Huber construit un écart déstabilisant entre la perception intérieure et la réalité extérieure, dans le temps et l’espace de la «performance» en se jouant de la frontière incertaine entre différents systèmes de signes.
Dans la lignée des recherches amorcées par Joseph Beuys sur le signe et le langage comme origine de la transmissibilité créatrice de l’homme, l’art de Huber construit du sens en utilisant la technique de la formulation. Il extrait de l’espace matériel et immatériel des mots, du tableau et du lieu le processus chimique de transformation de la réalité par l’art. Héritier de la pensée romantique allemande, sa démarche situe l’artiste au centre d’une métaphore complexe, faite de glissements incessants de sens, qui émanent de la nature symbolique, esthétique, philosophique et sociale des éléments.
Maïté Vissault
1 Thomas Huber, «Discours sur la création», in Art et Langage, Rennes, 1988.