Née en 1950 à Kronach (DE)
Vit et travaille à Aignay-le-Duc (FR)
1992
Cerf empaillé, contreplaqué, mousse, feuilles mortes
300 x 300 x 300 cm
Acquisition: 1993
Installée en France depuis 1977, Gloria Friedmann commence à travailler la photographie où elle se met en scène dans des lieux désaffectés. Ses sculptures réalisées en extérieur à parir de 1985 l’orientent vers une réflexion sur le «Beau naturel». En combinant en effet l’utilisation de matériaux issus de la nature et l’emprunt d’un langage minimal, l’artiste pointe les relations nature / culture dont elle tire la principale problématique de son oeuvre.
Les cerfs, daims, bœufs vivants ou empaillés lui servent à mettre en espace des «tableaux vivants» dont le principe s’articule autour de la notion de «Représentants».
Ces animaux sont, par le pouvoir de l’artiste, les «Représentants» du divin, du mystère incarné sur Terre et comme tels ils sont appelés à conduire les Hommes.
Son «ready made naturel» composé d’un magnifique cervidé, d’un disque de mousse et d’un tapis de feuilles sèches est cependant fortement agencé par la détermination des formes géométriques qui le composent : le cercle de mousse à la verticale, le carré de feuilles au sol. La matière végétale se transforme alors en signe. Cette rigueur géométrique exemplaire s’oppose totalement à la nonorganisation naturelle et aux symboles de liberté et d’énergie que peuvent encore être les cervidés.
Cette pièce monumentale constitue une stèle à l’honneur du vivant, de la force, de la puissance animale et un avertissement face à l’éloignement de nos bases originelles. D’ordinaire, un monument est érigé pour glorifier l’humain, ici il sert à rendre grâce à la nature. «J’appartiens à la fin du XXe siècle, à une époque scientifique. Mais en tant qu’être moral, j’ai parfois profondément le désir de dire merci; mais je ne sais pas à qui.»1
Cette confrontation incite le regardeur à un questionnement d’ordre métaphysique qui touche au devenir de l’individu face aux phénomènes qui touchent et bouleversent la nature. L’appel à la prise de conscience est l’une des données de la production de l’artiste, si l’on se réfère aux deux «tableaux vivants» réalisés récemment en Lorraine : dindons face à une centrale nucléaire et surtout la rencontre d’une quinzaine de personnes aveugles accompagnés de leur chien et autant de militaires de carrière sur fond d’aviation de guerre.
Béatrice Josse
1 Gloria Friedmann, Les Représentants, Bergkerkmuseum, Deventer, Pays-Bas, 1993.