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Gilbert Fastenaekens

Né en 1955 à Bruxelles (BE)
Vit et travaille à Bruxelles (BE)


Thionville

1983
Photographie noir et blanc, tirage argentique
35 x 41,5 cm
Acquisition: 1987


«Devenir partie intégrante du paysage, un élément parmi
les autres, ressentir ce que peut être l’arbre, la pierre
et devenir l’arbre, la pierre. Dans ces moments-là, je vis
le temps présent, je m’écoule à son rythme, je n’ai plus
d’angoisse face à la fuite du temps.»1
Fastenaekens vient, à différentes périodes de l’année,
poser sa chambre dans un périmètre délimité de trois
mètres sur vingt centimètres dans la forêt de Vauclair
en ce lieu-dit de l’Aisne nommé Plateau de Californie. Le
rituel de cette démarche, son systématisme, lui donne les
éléments d’une contemplation de l’état des choses qui
semble être la quête essentielle hantant l’ensemble de
son travail.
Pour ses premiers travaux (1980), Fastenaekens puise la
substance de ses images dans des lieux choisis essentiellement
urbains et industriels (Nocturnes, 1980-1985,
Essai pour une archéologie imaginaire, 1984-1985). En
1988, il découvre, lors d’une commande intitulée «Les
quatre saisons du territoire de Belfort», les vertus de la
contrainte, des limites imposées et des variations scandées
par le retour régulier sur les lieux. Cette expérience
initiatique renouvelée dans la série consacrée à la forêt
lui procure la possibilité d’une osmose intérieure et d’une
intimité avec le site, sans effet dû à l’instantané et sans
émotion. Ces images-là n’ont rien de spectaculaire, elles
sont marquées par la stabilité et la réflexion : morceaux
de végétation hirsute nuancés par le déploiement tonal
du noir et blanc, lumière diffuse, perspective frontale,
cadrage équilibré…
Comme Robert Adams auquel il se réfère jusqu’à s’emparer
des clichés de From the Missouri West paru en 1980,
Fastenaekens est un faux topographe, il crée des images
simples et précises modulées par une lumière neutre, des
empreintes.
Dans le genre photographique, devenu classique, des
pionniers du paysage topographique mais hors de tout
commentaire documentaire ou sociologique, ses clichés
présentent, et à la fois transforment, une réalité autre
inspirée par le banal et ce qui, en apparence, ne présente
aucun intérêt esthétique. En quête, comme il l’affirme,
«d’une qualité temporelle», Fastenaekens est un arpenteur
de la vision, son oeuvre ne relève plus des lieux et
des histoires mais de la notion de territoire telle que
notre époque la questionne.

Maïté Vissault

1 Gilbert Fastenaekens, extrait d’une interview avec Anne
Wauters, in art press n° 188, Paris, février 1994, p. 36.