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Wim Delvoye

Né en 1965 à Wervik (BE)
Vit et travaille à Gand (BE) et à New York (US)


Bétonneuse

1991
Bois, teck rouge, vernis teinté
186 x 181 x 145 cm
Acquisition: 1992


Wim Delvoye procède par association, collage, mélange d’idées et de matériaux. Il confronte, oppose ce qui appartient à des sphères culturelles incompatibles ou devenues obsolètes : des symboles et des usages, des pratiques et des techniques.
«Avec la porcelaine et le but de football, la bonbonne de gaz ou la bétonneuse en bois, je me confronte à l’impuissance de faire passer un message élevé à travers un objet banal. C’est avec cela que je joue.»1
Delvoye joue effectivement et associe la forme grandeur réelle d’une bétonneuse, ordinairement en métal à une technique artisanale du bois sculpté. La machine-outil métaphore du mélange des idées et des cultures s’orne du traditionnel art décoratif flamand. Dénonciation de l’esprit et du goût étriqué de ses concitoyens, cette œuvre dénonce aussi les circuits de fabrication industriels des objets pseudo-artisanaux – la Bétonneuse fut réalisée par des petites mains indonésiennes.
L’objet attire, séduit par la qualité du travail manuel, sa fonction transcendée par le décoratif est devenue secondaire, anodine. Cependant, les conditions de fabrication étant faussement artisanales, il devient une parodie de l’identité véritable de l’objet, un masque, un mensonge. Entre les mains de l’artiste, les objets sont des fétiches ayant valeur d’icônes, car ils désignent l’arbitraire du goût dans une société de la sur-consommation.
L’art de Delvoye exprime cependant toute la complexité des interférences entre les cultures. Il s’intéresse aux particularités de la «belgitude», à l’anecdote qui sous-tend à la fois la popularité de l’icône et la réalité particulière de son pays, en affichant la vacuité et la futilité de ses emblèmes. Par dérision, il inscrit l’ordinaire et l’idée dans la matière de l’œuvre d’art moderne et perpétue ainsi l’esprit atypique de l’art belge de Bruegel à Broothaers en passant par Magritte et Ensor.

Maïté Vissault

1 Entretien avec Nestor Perkal, in Wim Delvoye, Rochechouart : Musée départemental, 1995, p. 28.