Né en 1944 à Berne (CH)
Décédé en 2010 à Berne (CH)
1989
Photographies noir et blanc, tirages argentiques
179 x 65 cm chacune
Acquisition: 1991
Multipliés, divisés dans l’espace – énormes bras devenus troncs humains – Les Veines de Burkhard s’élancent, autonomes, aux confins du paysage et de la sculpture. Agrandis à la taille de jeunes arbres, sans extrémité, sans environnement ni profondeur, ces morceaux se présentent comme des épidermes baignés de lumière, des «surfaces sensibles» qui extériorisent, avec toute la précision possible par la photographie, leurs qualités organiques et la dominance de leurs détails. Ainsi, sans plus de liens matériels avec le corps représenté, ces bras striés de veines exhibent leur verticalité et leur qualité de racines protectrices.
L’artiste utilise la frontalité, l’égalité, le rythme sériel correspondant ici aux quatre faces du volume mis à plat, l’adéquation précise du cadre avec le sujet, la présence physique du vide – murs, monochromes ouverts intercalés entre les photographies – afin de perturber toute reconnaissance globale de la forme devenue totalité abstraite, pure unité plastique de l’image. Identiques et pourtant différents, non pas fragments mais morceaux déplacés du réel inscrits à la frontière de la répétition, ces bras figurent l’impossibilité d’une perception totale et rappellent ainsi l’omniprésence d’une crise du sujet, et par là de la représentation, qui parcourt tout le XXe siècle.
Burkhard photographie, à la manière de Bill Brandt, des détails d’animaux, de plantes, de corps…, le plus souvent en plan rapproché, hors contexte, sans volume et sans âge, soulignés par l’image, faisant corps avec ses qualités visuelles. Cependant, attentif à la spatialité de l’objet, à sa présentation exaltée par l’agrandissement et le fractionnement du sujet photographié, il sature l’espace rendant impossible tout recul. Il oblige ainsi le
spectateur à rencontrer l’intimité du sujet, à se déplacer pour expérimenter différents
points de vue, à percevoir l’autre contemplé à l’intérieur du mouvement et du temps, et à appréhender ainsi son propre corps. Ce dialogue sensuel dû à la proximité de la peau et du touché des choses, émoustille l’imagination, le désir des sens, et par effet de juxtaposition, d’isolement et de distance provoqué par les processus de déréalisation des images, exprime la similitude du vivant, l’essence des formes naturelles, leur unité organique.
Maïté Vissault