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Nipan Oranniwesna

Né en 1962 à Bangkok (TH). Vit et travaille à Bangkok (TH).


City of Ghost

2012
25 cartes en pochoir de 21 villes, construction en bois, tissu (coton), ampoule, talc, caisson en Plexiglass.
Dimensions variables
Acquisition: 2012


Nipan Oranniwesna s’est formé à la Silpakorn University de Bangkok puis à la National University of Fine Art and Music de Tokyo. Il a commencé à travailler au milieu des années 1990 en présentant des installations in situ réalisées avec une grande variété de matériaux selon des thématiques allant de l’intime au politique. C’est notamment avec des installations de City of Ghost qu’il a représenté la Thaïlande à la Biennale de Venise (2007) et qu’il a participé à la biennale de Sydney (2012). L’artiste a aussi pris part à de nombreuses manifestations artistiques importantes d’Asie, comme la biennale de Busan en Corée (2008), celles de Kuandu (Taipei) ou encore la triennale de Setouchi au Japon (2013).

City of Ghost a été développé graduellement à partir d’une pièce intitulée Ghost Skin (2005) exécutée lorsque Nipan Oranniwesna était résident d’un programme artistique à Manille. Déraciné dans cette ville qu’il percevait comme l’anticipation angoissante du devenir de Bangkok, il a commencé à découper au cutter des éléments d’une carte reproduite sur le menu d’un restaurant. « Ce n’était pas une approche intellectuelle. J’ai trouvé mon langage accidentellement » expliquait-il dans un entretien. Très vite, l’artiste a l’idée de répandre de la poudre sur une véritable carte découpée lui servant alors de pochoir. Combinant les plans de Bangkok et Manille, il a continué ensuite à mixer les plans de nombreuses villes dans le monde, donnant alors naissance à une nouvelle carte : celle d’une ville fantôme.

Nipan Oranniwesna utilise un cutter pour enlever minutieusement tous les espaces existants figurés sur le plan entre les circulations (rues, routes, fleuves, canaux). Seules à être conservées intactes, ces lignes vont être figurées en creux, une fois que l’artiste aura déposé délicatement sur sa carte devenue pochoir, la poudre fine et parfumée du talc, que les habitants des zones tropicales de l’Asie ont coutume d’appliquer sur leur corps après la douche. L’espace collectif du plan de la ville acquiert alors une dimension intime et corporelle qui lui était inconnue jusque là.

La condition hygrométrique du lieu d’installation va contribuer à agréger cette matière volatile sur le tissu tendu posé sur un support en bois. Fragile, l’installation est vouée à s’effacer avec le temps. « Je voulais parler de la visibilité de l’existence qui est prête à s’effondrer » expliquait encore l’artiste. En effet « les cartes sont un produit emblématique du monde moderne, l’ordre est dans la carte. » A travers cette œuvre, il questionne les échanges et circulations induites par la globalisation, alors qu’elle contribue à effacer les frontières. C’est d’ailleurs en connectant les circulations qu’il peut joindre les divers plans qu’il combine. S’appuyant sur la solidité de la convention cartographique temporisée par l’instabilité insaisissable de son matériau, City of Ghost permet aussi d’expérimenter la dimension poétique et prospective de nos espaces imaginaires.

Magali Le Mens