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Pratchaya Phinthong

Né en 1974 en Thaïlande (TH)
Vit et travaille à Bangkok (TH)


2017

2009
Peinture murale, texte, encre vouée à disparaître.
241 cm de diamètre
Acquisition: 2009


Sans volonté spécialement historique, ni citation ouvertement affichée, la démarche de Pratchaya Phinthong actualise un des motifs de l’art conceptuel des années 1960-1970 : celui de la spéculation. Un terme entendu dans son acception intellectuelle autant que financière, puisque certaines de ses œuvres opèrent des transactions monétaires sans échange de richesse ni bénéfice. […] Mais il est encore plus souvent question chez P. Phinthong de donner à imaginer une chose absente, impossible à voir ou sans existence physique. Dans une logique post-conceptuelle, une telle pratique fondée sur l’immatérialité, la croyance ou la rumeur rappelle le Robert Barry de la dissipation des Inert Gas Series ou le projet gardé secret par des étudiants lors d’un workshop à Halifax en 1969. […]

Dans cette logique, 2017 est une peinture murale réalisée avec une encre sympathique qui disparaît progressivement au cours de son exposition. Le texte qui est donné à lire, composé en forme de disque parfait, est le copié-collé d’un extrait de blog trouvé sur Internet. Son auteur, inconnu, alarmiste et paranoïaque, prétend que des expériences secrètes se jouent au sein du gigantesque accélérateur de particules du CERN, enterré à la frontière franco-suisse. Cette machine, contrôlée par les américains, aurait pour but réel la téléportation d’une partie de la population sur Mars, avant qu’une planète n’entre en collision avec la Terre en 2017. Cette date donne son titre à l’œuvre de P. Phinthong, faisant référence aux anticipations et dystopies classiques de la science-fiction catastrophiste, de 1984 d’Orwell à 2012 de Roland Emmerich. Mais le scénario improbable s’achève ici de manière inattendue par la conviction que Bouddha sauvera ses disciples, dont l’auteur fait lui-même partie. Pirouette finale, presque loufoque, qui neutralise l’anxiété apocalyptique. Reportée directement au mur, la funeste prédiction qui peu à peu s’efface laisse le secret et le mystère exister à nouveau. À l’inverse d’Internet où elle bénéficiait d’une publicité aussi large que son contenu était fabuleux, l’œuvre 2017 lui rend son caractère évanescent, magique, presque surnaturel. Par ailleurs, la forme de ce soleil graphique qui s’évanouit renvoie au référent cosmique de la prophétie. À moins que, jouant plastiquement sur la polysémie du terme, elle ne représente une bulle « spéculative » prête à s’évaporer.

Guillaume Désanges