retour

Edith Dekyndt

Née en 1960 à Ypres (BE). Vit et travaille à Tournai (BE)


A is hotter than B

2005
Vidéo couleur, non sonore
durée : 9'
Acquisition: 2008


Avez-vous remarqué l’appétence de l’artiste à jouer de la mimétique avec des intitulés scientifiques dits objectifs ? Il est intéressant à plus d’un titre de constater comment Edith Dekyndt formalise ses références au monde physique. A is hotter than B (2005) est une vidéo qui montre la dissolution d’un cube d’encre noire congelée dans de l’eau, se désintégrant entre les doigts de l’artiste. Alors que la rigueur du titre endosse le statut d’une formule mathématique, il se heurte à la majesté du mouvement ample et harmonieux du fluide coloré. Le dessin des arabesques est fonction de la température de l’eau : lorsqu’elle est froide, l’encre se délaye peu et les formes demeurent compactes, lorsqu’elle se réchauffe, l’encre se disperse plus rapidement. Pendant que le regard s’en va virevoltant au gré des volutes qui apparaissent comme un clair-obscur réduit à sa plus simple expression, la forme parvient à l’apogée de son dénouement par son évanescence. Émerveillé face à tant de beauté, l’œil se perd dans le détail des courbes sensuelles tandis que l’attention sombre comme attirée, magnétisée par la majesté du mouvement. Mue par une dynamique, qui s’incarne tour à tour dans les pratiques laboratoires de l’évasion et de l’observation, l’œuvre se nourrit d’un regard minutieux sur le monde physique. Le climax serait à rechercher du côté de la « Stimmung », ce concept allemand étudié depuis longtemps dans de nombreuses disciplines (philosophie, esthétique, littérature), que l’on pourrait synthétiser par l’expression d’une unité harmonieuse et la sensation de plénitude ressenties face à un paysage, tellement fortes qu’elles font naître le désir d’être absorbé par le paysage, de devenir le paysage.
Edith Dekyndt convoite les changements d’états de la matière, l’irisation lumineuse, le ballet de poussières ou encore les mouvements fluides et aériens. Elle donne à voir le merveilleux caché des lois physiques du monde sans démonstration mathématique ou cartésienne, laissant le champ libre à l’expression de la curiosité individuelle. Chez Dekyndt, le déplacement relatif à la mouvance liquide et aérienne est toujours une figure générique de fonctionnement. De la même manière que François Mauriac faisait remarquer que « la poussière n’est pas encore le néant », Edith Dekyndt travaille sur la perception de la réalité du monde en perpétuel mouvement. Ce désir de mobilité pointe aussi les changements d’états (liquide/solide – visible/invisible), s’arc-boutant sur l’immédiateté des qualités sensibles en même temps qu’il les révèle.
Par son désir d’expérimentation, Edith Dekyndt propose des situations qui saisissent l’intuition de l’instant. Faire l’expérience de l’œuvre c’est accepter un état de suspension temporelle qui permet d’intérioriser l’émotion et de ressentir un calme intérieur. À son contact, l’œuvre rend inadéquat tout sentiment d’anxiété ; elle apaise et génère comme un silence musical loin du brouhaha de la ville trépidante. Ouvrant sur une sensation de sérénité qui en assure sa compréhension, l’œuvre imprègne et coupe court à tout sentiment de confusion ou de malaise.

Cécilia Bezzan