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Sigalit Landau

Née en 1969 à Tel-Aviv (IL)
Vit et travaille à Paris (FR) et à Tel-Aviv (IL)


Barbed Hula

2000
Vidéo, couleur, sonore
Durée : 2'
Acquisition: 2003


D’emblée, c’est la référence religieuse qui marque. L’image forte de Sigalit Landau pratiquant nue du Hula Hoop en fil barbelé sur une plage israélienne renvoie aux pratiques sacrificielles des origines des religions. Rituels. Stigmates. Propitiations. Marquages indélébiles. L’artiste et performeuse d’origine israélienne se place ici sans conteste dans une lignée du body art cérémonial-cathartique des années 1960 et 70 à la Marina Abramovic, Gina Pane ou les actionnistes viennois. La représentation du corps violenté ou profané comme expiation possible des corruptions de la société contemporaine. Mais chez Sigalit Landau, le pathos inhérent aux formes de ses aînés est ici refoulé par un rapprochement subversif de deux motifs antagonistes : la danse rock’n’roll profane et le sacré de l’icône sacrificielle. Rock my religion. Twist again in Jerusalem. Habituée aux spectaculaires mises en scène (comme cette parade célébrative mais tragique prenant comme sujet la Petite marchande de prose d’Andersen, où elle transformait une bétonneuse en géante boîte à musique mobile 1; ou cette impressionnante reconstitution d’une terrasse de Tel-Aviv, d’où l’on contemplait un infernal verger fruitier d’après la guerre2), Sigalit Landau se plaît à mélanger la douleur et le sublime, la grâce et le sordide, naturalisme et chaos moderniste.
De par ses origines, on ne s’étonnerait pas par ailleurs que l’artiste soit sensible à la notion de frontière. Dans cette perspective, le barbelé est emblématique du double mouvement (voire, sans mauvais jeu de mot, du double tranchant) opéré par tout bornage géographique : à la fois figure de la protection et de la répression (la prairie, l’asile, mais aussi le check-point ou le camp de concentration). Le barbelé, métonymie de l’appropriation territoriale, ralliant le militaire et le civil, protège et enceint aussi bien qu’il blesse. Tourné dans une zone déserte au sud de Tel-Aviv, le film de Sigalit Landau oppose ainsi la violence dégradante de la démarcation culturelle (celle artificiellement modélisée par l’homme), à la frontière naturelle que représente la mer. Pratiquant une danse dangereuse qui laisse des marques, Sigalit Landau fait montre d’une émouvante résistance à l’oppression, parvenant à jouer du dernier périmètre vital laissé par un espace politique et social astringent qui menace directement l’intégrité physique de ses sujets.

Guillaume Désanges

1 Somnambulin, 2001

2 The Country, 2002