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Peter Downsbrough

Né en 1940 à New York (US)
Vit et travaille à Bruxelles (BE)


SA, IF, TO

1992
Mur peint, lettres adhésives et tubes en acier peint
Dimensions variables
Acquisition: 1992


Trois éléments constituent le vocabulaire de cette pièce : de l’acrylique noire recouvrant la partie visible d’un rectangle figuré sur le mur ; un tube métallique, noir lui aussi, allant du sol au plafond, placé à une dizaine de centimètres en avant du mur ; des lettres de vinyl adhésives composant trois mots, deux en noir, un en blanc. En d’autres termes, il s’agit d’un travail qui met en jeu, tout à la fois, peinture murale, sculpture et langage.
La première caractéristique de cette pièce est la façon dont elle met en jeu l’espace, ce que l’on pourrait appeler sa multidimensionnalité. En effet, les axes de la verticalité (le tube métallique), de l’horizontalité (le placement du mot «TO» parallèle à l’angle formé par le mur et le sol où «disparaît» la peinture murale) et de l’oblique (les côtés du rectangle noir et le positionnement du vocable «A») sont actifs. Davantage, la vectorisation de l’espace opéral est multiple, elle aussi. La pièce offre un trajet de gauche à droite quand il s’agit de lire «TO», mais la direction s’inverse lorsque le mot «SA» s’offre à la lecture. Les deux lettres de «IF» proposent un troisième axe de lecture, perpendiculaire à celui sur lequel se lisent, de gauche à droite ou de droite à gauche, les deux autres vocables. Pourtant, il y a plus encore, car non contente de pluraliser ses axes et ses directions, cette pièce s’avère tridimensionnelle dans la mesure où elle mobilise le mur, mais aussi le plafond et surtout le sol, dans la mesure aussi où le tube noir, d’une part, est lui-même, tridimensionnel, mais, en outre, s’échappe résolument du plan mural, en s’en écartant d’une dizaine de centimètres.
Si le regard du spectateur est invité à se déplacer verticalement, latéralement et en profondeur, son esprit est, de surcroît, invité au jeu de la virtualité ; c’est la seconde caractéristique de cette pièce. Non seulement, donc, le champ opéral est multidimensionnalisé, mais, en outre, il ne constitue pas un point focal puisque certains de ses aspects appellent à le quitter. Tout d’abord, les mots utilisés ne sont pas des substantifs mais des conjoncteurs en attente de quelque complément. Pour ouvrir encore le jeu, deux de ces articulateurs sont des vocables à sens multiples : «SA» peut signifier la comparaison, la cause, le temps ; «TO» marque le déplacement, l’aboutissement, l’attribution, le but, ou peut être une simple particule introduisant un infinitif. Quant à «IF», la virtualité polysémique n’est pas requise, puisque, de lui-même, le terme la dénote. Sur ce chapitre, l’on ne saurait oublier la virtualité qui est celle du rectangle, dont le spectateur doit reconstituer mentalement la partie manquante, tout comme les données de l’expérience qu’il mène en découvrant ce travail lui permettant d’activer les trois mots proposés. Enfin, ce qui est ouvert, non prédéterminé, c’est l’ordre dans lequel le dit spectateur va appréhender cette pièce multidimensionnelle.
Rarement autant qu’avec cette pièce, il aura été donné de faire l’épreuve réelle de la pluralité.

Michel Gauthier