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Décosterd & Rahm

Né en 1963 à Lausanne (CH)/ Né en 1967 à Pully (CH)
Vit et travaille à Lausanne (CH) / Vit et travaille à Paris (FR)


Peinture placebo©

2001
Peinture, concentré liquide de Gingembre 15CH, concentré liquide de fleur d'oranger 15CH, 10000 notices explicatives
Acquisition: 2003


Pendant irrationnel au fabuleux développement scientifique du génie génétique et des thérapies chimiques, les formes dites naturelles de médecines et de soins connaissent un formidable essor : aromathérapie, homéopathie, remèdes à base de fleurs, mais aussi parfums anti-stress, boisson dépurative au jus de bouleau, crème de massage relaxant au tilleul, huile hydratante tonique au maté vert et au gingembre. Irrationnelles car sans assises scientifiques, inquantifiables et irreproductibles expérimentalement, les médecines douces et autres méthodes naturelles de soins apparaissent comme l’expression d’une pensée superstitieuse célébrant l’harmonie des sens, l’écologie et une certaine forme d’humanisme en résistance vis-à-vis de la technicité réductive de la science moderne. Si l’on veut échapper à la pensée magique pour comprendre et accepter rationnellement les médecines douces, il nous faut recourir à la notion scientifique de placebo, laquelle, si elle reste encore largement mystérieuse, permet de cerner certains mécanismes neurobiologiques et endocriniens à l’œuvre dans ce type de soins.

Le placebo stimule la production de substances endogènes : en cela, et parce qu’il n’agit que selon la disposition psychologique individuelle, le placebo apparaît comme une clé humaniste dans la nature organique de l’homme. Il est l’expression d’un libre-arbitre. Face à la désemparente simplicité d’action de la génétique et à sa terrible efficacité, face à sa réduction effective de la nature humaine à l’organique, la notion de placebo réinjecte dans un cadre scientifique la part d’humanisme et de liberté qui semble battre de l’aile depuis quelques années. La Peinture placebo est de l’ordre de la stimulation propre au placebo. En intégrant dans de la peinture blanche industrielle une dose infinitésimale de gingembre ou de fleur d’oranger, nous cherchons à qualifier la destination d’une pièce en dehors de toutes représentations visuelle ou plastique. Ainsi, nous avons proposé, pour recouvrir les murs du deuxième étage du Frac, une peinture contenant une haute dilution de fleur d’oranger à 1/1030, soit 15 CH. À un tel taux de dilution, aucun principe actif ne peut plus être mis en évidence selon la pharmacologie universitaire. La Peinture placebo© ne dégage aucune autre odeur que celle, industrielle, à la base du produit. Elle ne se singularise pas non plus par une couleur particulière.
Inodore, invisible, la Peinture placebo© agit uniquement selon l’effet placebo en qualifiant psychologiquement l’espace. Au premier étage du Frac, c’est un potentiel érotique que nous cherchons à stimuler, en peignant l’ensemble des murs et des plafonds avec une Peinture placebo© contenant une dilution de gingembre à 15 CH. Notre ambition est d’agir en amont des apparences sensibles, une sorte d’architecture infra-fonctionnaliste, générant ses formes dans l’espace neurologique et endocrinien du corps. Le deuxième étage à la fleur d’oranger est relaxant. Le premier étage est un lieu chargé d’érotisme.

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