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Patty Chang

Née en 1972 à San Francisco, Californie (US)
Vit et travaille à New York (US)


Fountain

1999
Vidéo, couleur, sonore
Durée : 5'29"
Acquisition: 2001


Le travail de Patty Chang s’inscrit dans la continuité des recherches menées par des artistes des années 1970, dans lesquelles la notion de performance est souvent associée à l’idée d’endurance. Cependant, ce qui la différencie de ses aînés, dont elle revendique néanmoins la filiation, c’est qu’elle démystifie, avec beaucoup d’humour et d’ironie, la place même de l’Artiste pour s’adresser plus largement à ses contemporains, soit en temps réel, soit par des films ou images extraites de ses performances.

Dans Fountain, Patty Chang scrute son visage dans un miroir rond, posé à même le sol, et absorbe bruyamment l’eau qui le recouvre. De cette performance qui a eu lieu dans les toilettes d’un restaurant d’entreprise, elle a choisi un cadrage serré, vidé de toute référence au contexte dont il est extrait. L’eau, qui devrait couler, est ici stagnante et renvoie à une sensualité froide et implacable, renforcée par ce cadrage serré du double visage. Dans ce face à soi, l’artiste se livre à un intense jeu de séduction qui se déroule dans une auto-absorption, une auto-hypnose où le bruit de l’action restitue crûment la portée du geste.

Cette livraison brute de l’image reflétée et aspirée découvre un raisonnement par analogie où les incontournables symboles de l’eau et du miroir sont revisités.Cette association conduit à un rapport plus général qui, comme le souligne l’artiste, « nous permet d’y associer notre propre narration. Toutes les interprétations sont possibles ». On peut donc ainsi identifier la métaphore de la lutte, du succès et de la défaite, de la projection de soi dans cette introspection que petits et grands nous opérons dans nos vies à des moments plus ou moins forts d’autocontemplation.

Patty Chang utilise son propre corps, qui est son premier outil, et donne toutes les directives nécessaires pour garder trace de ses actions. Il n’est donc pas ici question d’associer l’artiste à une identité particulière, mais de mesurer la transmission qui y est opérée au-delà de toute appartenance culturelle. « J’étais obsédée par l’idée d’une superficie plane et de l’illusion de profondeur que cela engage, c’est un abysse superficiel. Baudrillard a écrit que la séduction est de mourir comme réalité et de se reconstituer comme une illusion. Se regarder est un acte de séduction, l’action de se regarder devient un cycle de vie et de mort, et le fait de le boire est une acceptation de ce cycle.» Si l’eau est source de vie, purification et régénérescence, le miroir est bien un moyen et un espace de révélation. L’eau est aussi un symbole des énergies inconscientes, des puissances informes de l’âme. Comme l’eau, le miroir est aussi utilisé dans les rituels comme outil divinatoire. La lumière se reflète dans l’eau, mais ne la pénètre pas.

Par ailleurs, le miroir donne de la réalité une image inversée, dérangeante. Fountain révèle des motivations secrètes et inconnues tout en recherchant une vérité, une sincérité autodéterminée en vertu de son infinité.

Cécile Bourne